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NoLo alcool : entre abstinence et modération, la tendance se confirme
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NoLo alcool : entre abstinence et modération, la tendance se confirme

« Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse », la célèbre citation d’Alfred de Musset a-t-elle toujours la même résonance avec l’émergence du NoLo (no/low) alcool ?

Cette tendance, qui privilégie les boissons sans alcool (no) ou à faible teneur en alcool (low) aux boissons alcoolisées classiques, semble bien partie pour s’installer durablement. De nombreux indicateurs convergent en ce sens.

Une alternative de plus en plus attractive

Selon le dernier baromètre SOWINE/DYNATA1, 28% des consommateurs français auraient adopté le NoLo. Parmi eux, la majorité sont des jeunes de 26 à 35 ans, qui représentent 41% des adeptes de cette tendance. Les motivations sont diverses : consommer moins d’alcool, par goût, par choix, pour raisons de santé ou de sécurité.

Dry January ou Sober October ? 

L’apparition d’un champ lexical dédié semble également ancrer le phénomène dans la culture des consommateurs. Lors de la dernière édition du salon WINE PARIS, on pouvait entendre des « sobreliers » conseiller certains « vins désalcoolisés » pour composer d’audacieux « soft pairing »2. Côtés stands, on pouvait voir fleurir les flacons en verre présentés dans des coffrets sophistiqués pour une dégustation traditionnelle mais sans alcool. Les marques exposantes, investies dans ce secteur, ont fait montre de génie créatif en réutilisant les codes de la consommation classique sans s’en approprier totalement la substance. 

Par ailleurs, nombre de conférences lors du salon ont mis le NoLo sur le devant de la scène, confirmant ainsi son statut de tendance de fond, là où certains observateurs ne voyaient qu’un effet de mode passager.

Questions juridiques et réglementaires

Comme tout changement, cette tendance génère des questionnements notamment d’ordre juridique et réglementaire. Quid de l’assujettissement aux droits d’accises, du champ d’application de la loi Evin, ou des obligations en matière d’étiquetage ? 

En matière de propriété intellectuelle, le point épineux pourrait résider dans le choix des classes à viser lors d’un dépôt de marque. S’agissant d’un vin sans alcool ou « désalcoolisé », le dilemme peut s’instiller quant à la similitude reconnue ou non avec les vins dits « classiques » couverts par la classe 33. Faut-il privilégier un spectre de protection élargi pour couvrir toute la gamme des produits similaires en désignant concomitamment les classes 32 (Bières ; boissons sans alcool ; eaux minérales et gazeuses) et 33 (boissons alcoolisées à l'exception des bières ; préparations alcoolisées pour faire des boissons), ou se restreindre à ne viser que la première ?

Il s’agit surtout d’optimiser le risque d’opposition, ou de contrefaçon lorsque la marque est enregistrée, en cas de similitude reconnue avec les produits couverts par les marques antérieures.

En matière de vin et spiritueux peut-on considérer qu’ils sont similaires quel que soit leur teneur en alcool ? 

L’EUIPO a rendu plusieurs décisions dans des situations où la question était soulevée (FLÜGEL, T-150/17 du 4/10/2018 ; ICEBERG (fig.) / ICEBERG 21/01/2019, R 1720/2017-G ; MONTECELIO/MONTECELLI du 1/10/2020, R 519/2019-5). Dans l’affaire Euromadi Iberica / Zorka Gerdzhikova du 13 avril 2022, elle a conclu à la similarité entre les boissons sans alcool visées par le cas d’espèce et les vins, liqueurs et spiritueux couverts par la marque antérieure.

Ce faisant, la Cour a suivi les recommandations de l’INTA qui préconisait une approche « souple » de la question de la similarité entre les produits des classes 32 et 33. Elle arguait, notamment, de l’émergence du NoLo : « les tendances dans l’industrie de la boisson permett[ai]ent de conclure à une évolution vers davantage de boissons sans alcool ou de boissons faiblement alcooliques, également connues sous l’appellation boissons «nolo», […] étayée par la manière dont ces produits sont commercialisés et consommés [...] ces produits vis[ai]ent tous à satisfaire le même besoin, toutefois avec des ingrédients différents. Cette teneur différente en alcool n’exclut pas, de manière générale, toute similitude ».

En attendant une ligne jurisprudentielle établie sur la question, la prudence s’impose pour chaque dépôt en étudiant rigoureusement, selon les cas d’espèce, la pertinence stratégique d’une désignation élargie ou calibrée des classes, sans que cela ne puisse préjuger de l’absence de risque d’une opposition future.

Le sacre reste à venir 

Si le NoLo venait à se confirmer comme mode de consommation à part entière, la question demeure de savoir si cette catégorie de boisson sera considérée au même titre que les vins « classiques » comme composant incontournable du repas gastronomique français inscrit depuis 2010 au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.

Le chemin pourrait toutefois s’avérer long avant d’accéder à une telle consécration.

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1Baromètre SOWINE/DYNATA édité en mars 2024

2De l’anglais : association sans alcool – qui consiste à accorder des plats gastronomiques à des boissons sans alcool à l'instar des habituels accords mets-vins

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