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Lutte contre la contrefaçon – les derniers chiffres révélés par le rapport conjoint de l’EUIPO et de la DG Taxud - Novembre 2023
Lutte contre la contrefaçon – les derniers chiffres révélés par le rapport conjoint de l’EUIPO et de la DG Taxud1 - Novembre 2023
Chaque mois de novembre, a ses rituels.
Le monde du vin piaffe dans l’attente du beaujolais nouveau, celui de la lutte anticontrefaçon guette avec fièvre le rapport conjoint de l’EUIPO2 et de la DG Taxud3 - nous informant sur les chiffres des saisies de contrefaçons aux frontières de l’UE et à l’intérieur des pays membres.
Retenues de produits de contrefaçon aux frontières de l’UE :
Le cru 2022 montre une nette baisse des saisies de produits contrefaisants aux frontières (-43% par rapport à 2021). Le nombre de produits saisis passent ainsi de 42 millions à 24 millions environ.
A l’inverse, la valeur de ces articles a augmenté de 11%. Bien que la nature des produits contrefaisants majoritairement saisis demeurent de faible valeur (emballages, étiquettes, stickers), leur part a diminué par rapport aux autres produits de valeur unitaire plus élevée.
S’agissant de la provenance de ces contrefaçons, la Chine demeure le premier fournisseur notamment pour les emballages, suivi de la Turquie pour les vêtements et de Hong Kong pour les produits de téléphonie.
Comme pour les années précédentes, les droits enfreints sont majoritairement les marques de commerce et le nombre de demande d’intervention déposées par les titulaires de droits auprès des douanes est constant depuis les trois dernières années.
- Que faut-il déduire de cette tendance à la baisse ? Faut-il s’en inquiéter ou s’en réjouir ?
Une vision court-termisme de ces chiffres, associés à ceux du nombre de procédures initiées cette même année également en baisse (98.536 comparés aux 125 382 en 2021), pourrait laisser penser que le combat est gagné, et que la contrefaçon recule.
Las ! ce serait comme prendre une piquette pour un millésime classé.
Car si l’on affine l’analyse l’on peut constater que les saisies postales sont celles qui ont le plus décru en nombre. Entre 2019 et 2022, il y a eu 50% de moins de procédures (58.000 vs 30.000) alors que, dans le même temps, le trafic postal a été en pleine expansion avec les achats faits sur Internet interdisant de considérer que la vertu aurait à ce point progressée.
Alors, s’agit-il d’un problème de ressources humaines ou d’analyse de risques et de ciblage des colis ?
Seules les douanes des différents pays pourraient répondre à ces questions.
Et l’on ne peut s’empêcher d’espérer que, compte tenu de la croissance exponentielle du nombre de colis transportés, l’intelligence artificielle viennent à la rescousse des douaniers.
Retenue de produits de contrefaçon au sein des pays membres
A l’intérieur du territoire, nous assistons, sur les deux marqueurs sus-évoqués, à une progression inverse
- hausse (comme en 2021) des produits de contrefaçon: plus 26% soit 67 millions de produits par rapport à 53 millions l’année précédente.
- baisse de la valeur de 2%, en raison de l’accroissement de la part des produits de faible valeur.
97% des retenues totales le sont par 6 états seulement : Italie, Espagne, France, Pays-Bas, Hongrie.
La France passe au second rang des états membres détenteurs de produits de contrefaçon en nombre et valeur, mais bien loin derrière l’Italie.
C’est l’éternelle histoire du verre à moitié vide, ou plein, selon le coté où l’on se place.
Ces chiffres importants confirment en effet que la contrefaçon progresse, mais ils montrent aussi que certains pays sont en pointe dans la lutte, dont la France.
On doit toutefois préciser que ce résultat est intimement lié à une conjoncture spécifique, à savoir un nombre remarquable de saisies de produits de la catégorie des jeux.
Alors que généralement toujours loin derrière les autres familles de produits, celle-ci a atteint en 2022 la première place avec 43,8% des produits de contrefaçon détenus.
Ce chiffre est la résultante de l’opération LUDUS menée par les autorités douanières de 21 pays membres qui a conduit à la saisie en Italie de 25 millions d’articles de contrefaçon et en France de 3,5 millions (opération Pokemon – Quand on pense que le slogan accroche de ce jeu est « attrapez les tous », c’est une revanche plutôt jouissive non ?).
Si le chiffre record de 11.53 M de produits saisis toute catégorie par les douanes françaises a été atteint en 2022, ce chiffre est dû en grande partie à cette opération Ludus/Pokemon.
Déjà l’an dernier avec 9,1M de produits saisis par les douanes françaises, la plus forte progression résidait dans cette catégorie jeux jouets en raison de saisies records de cartes de jeux et figurines.
- Que faut-il en déduire ?
Si ces actions sont importantes en termes de protection des jeunes consommateurs, il s’agit cependant peut-être de l’arbre qui cache la forêt notamment vis-à-vis des autres catégories de produits. Les contrefacteurs vont inévitablement s’adapter à cette situation.
Création d’un nouvel indicateur
Enfin, soulignons une nouveauté du rapport de cette année qui consiste en la présentation d’un ratio entre le nombre de produits de contrefaçon détenus aux frontières versus le nombre de produits authentiques importés.
Ce ratio a été instauré pour chaque pays.
L’objectif étant de vérifier si la contrefaçon suit les tendances du commerce. Un ratio stable devrait être la norme.
Les chiffres montrent qu’en 2022, environ 0,44 euros de produits contrefaisants ont été saisis à la frontière pour 1000 euros de bien importés équivalents, cette part ayant augmenté entre 2019-2020, puis décru sur les deux dernières années.
Une analyse des chiffres permet de distinguer une nette différence entre les catégories de produits. Alors que la catégorie du tabac est très variable d’année en année, celle des lunettes de soleil et chaussures, est à la baisse. Par conséquent le nombre de contrefaçons dans cette dernière catégorie est en diminution par rapport au commerce total.
Cependant, on note que les contrefaçons des produits alimentaires, accessoires vestimentaires, maroquinerie et équipements électroniques gagnent du terrain dans le commerce.
Il faut malgré tout relativiser ces chiffres, et l’impact d’un tel indicateur dans la mesure où, s’agissant d’un marché sous-terrain, l’on ne connaît par définition pas le nombre total de contrefaçons vendues à l’intérieur de l’Union.
Seuls sont certains les chiffres de saisies de produits par les autorités, base d’extrapolations plus ou moins savantes pour déterminer un montant global de produits contrefaisants.
2Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle
3Directorate-General Taxation and Customs Union