Articles
Le protocole de Nagoya, en pratique !
La France a ratifié le 31 août 2016 le Protocole de Nagoya. Ce texte fournit un cadre juridique international relatif à l’accès et au partage équitable des avantages (APA) découlant de l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées.
Le règlement (UE) n° 511/2014 du 16 avril 2014 et son règlement d’exécution (UE) n° 2015/1866 du 13 octobre 2015 ont inscrit les dispositions de ce protocole dans le droit de l’Union Européenne et ont défini les obligations qui incombent à l'ensemble des utilisateurs européens de ressources génétiques.
Ces dispositions ont récemment été transposées en droit français par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Le décret n° 2017-848 du 9 mai 2017 complète cette transposition et fixe les règles d’accès aux ressources génétiques situées sur le territoire national, et le partage des avantages découlant de leur utilisation.
Nous en résumons ici brièvement les points essentiels.
ACCES AUX RESSOURCES GENETIQUES EN VUE DE LEUR UTILISATION
--> Champ d’application de la loi du 8 août 2016 (article 37) :
La loi couvre les ressources génétiques non humaines, prélevées sur le territoire national (y compris dans les zones sous souveraineté ou juridiction française), et ne faisant pas déjà l’objet de dispositifs internationaux spécialisés répondant également aux objectifs de la Convention sur la Diversité Biologique de Nairobi.
Les connaissances et techniques traditionnelles visées doivent :
- être associées à des ressources génétiques pouvant être attribuées à une ou plusieurs communautés d'habitants ;
- être associées à des ressources génétiques dont les propriétés sont méconnues et n’ont pas été utilisées de longue date et de façon répétée en dehors des communautés d'habitants qui les partagent ;
- et ne pas être associées aux modes de valorisation dont sont susceptibles de bénéficier les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et les produits de la mer (par exemple le label rouge, l’appellation d’origine, ou encore les mentions valorisantes, comme le qualificatif « fermier » ou la mention « issus d’une exploitation de haute valeur environnementale »).
En outre, les ressources génétiques ne doivent :
- ni être issues d’espèces utilisées comme modèles dans la recherche et le développement ;
- ni relever de régimes spécifiques (ressources génétiques issues d’espèces domestiquées, cultivées ou sauvages apparentées, objets de sylviculture, ou collectées par les laboratoires dans le cadre de la surveillance sanitaire ou de la santé humaine).
Notons enfin que l’échange et l’usage de ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées, à des fins personnelles ou non commerciales au sein des communautés d’habitants et entre elles, ou lorsque ces activités concourent à la sauvegarde des intérêts de la défense et de la sécurité nationale, n’entrent pas dans le cadre de la loi.
--> Champ d’application de la loi du 8 août 2016 (article 37) :
- Procédure déclarative pour les utilisations non commerciales, ou justifiées par des situations d’urgence ou de santé humaine ou végétale :
On entend ici en particulier les utilisations à des fins de connaissance sur la biodiversité, de conservation en collection, ou de valorisation sans objectif direct de développement commercial.
Dans le cas où l’accès a lieu sur le territoire de communautés d’habitants, l’autorité administrative compétente doit accompagner cette déclaration d’une procédure d’information des communautés d’habitants.
2. Procédure d’autorisation pour les utilisations à des fins commerciales :
L'autorisation précise les conditions d'utilisation des ressources génétiques pour lesquelles elle est accordée, ainsi que les conditions du partage des avantages découlant de cette utilisation, qui sont prévues par convention entre le demandeur et l'autorité compétente.
Les contributions financières susceptibles d'être versées par les utilisateurs sont calculées sur la base d'un pourcentage du chiffre d'affaires annuel mondial hors taxes réalisé et des autres revenus, perçus grâce aux produits ou aux procédés obtenus à partir de la ou des ressources génétiques faisant l'objet de l'autorisation.
L’utilisation des connaissances traditionnelles est également soumise à une autorisation visant à recueillir le consentement préalable, en connaissance de cause, des communautés d’habitants concernées, via l’organisation d’une consultation en vue de la négociation et de la signature d’un contrat de partage des avantages avec l’utilisateur.
NB : les informations confidentielles relevant du secret industriel et commercial n’ont pas vocation à être déclarées.
UTILISATION DES CONNAISSANCES TRADITIONNELLES ASSOCIEES AUX RESSOURCES GENETIQUES
Ces règles ne s’appliquent ni à l’utilisation des ressources génétiques issues des opérations de sélection animale, ni à l’utilisation de variétés végétales qui sont ou qui ont été légalement commercialisées.
--> Obligations des utilisateurs :
Conformément au règlement (UE) n° 511/2014, les utilisateurs de ressources génétiques et de connaissances traditionnelles associées doivent faire preuve de la diligence nécessaire afin de s’assurer (i) que l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques qu’ils utilisent s’est effectué conformément aux dispositions législatives ou réglementaires et, (ii) que les avantages font l’objet d’un partage juste et équitable selon des conditions convenues d’un commun accord, conformément à toute disposition législative ou réglementaire applicable.
A cette fin, ils sont donc soumis à une série d’obligations listées à l’Article 4 du règlement (UE) n° 511/2014.
--> En pratique :
Les utilisateurs de ressources génétiques et de connaissances traditionnelles associées doivent adresser au Ministre chargé de l’environnement une déclaration attestant qu’ils ont rempli les obligations qui leur incombent, en application du règlement européen précité, dans les cas suivants :
- réception d’un financement pour des travaux de recherche impliquant l'utilisation de ressources génétiques et/ou de connaissances traditionnelles ; ou
- développement final d'un produit élaboré grâce à l'utilisation de ressources et connaissances traditionnelles.
--> Lors du dépôt d'une demande de brevet :
La déclaration, sans aucune référence à la demande de brevet, doit être adressée à l’INPI (nagoya@inpi.fr) à la seule initiative du déclarant (voir décision N° 2017-105 du 24 juillet 2017 du directeur de l'INPI).
L’INPI procède uniquement à l’examen formel de la déclaration et la transmet au Ministre chargé de l’environnement.
--> Lors du dépôt d'une demande d' autorisation de mise sur le marché (AMM) :
Une déclaration doit être envoyée à l'autorité compétente pour la mise sur le marché (l'Agence Européenne des Médicaments), qui la transmet sans examen au Ministre chargé de l'environnement.