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Podcast : Comment prolonger la durée de vie des brevets ? Grâce aux Certificats Complémentaires de Protection !
La durée de protection d’une invention par le brevet est normalement limitée à 20 années. Le CCP est un titre de propriété intellectuelle qui vise à prolonger la durée du brevet portant sur le principe actif d’un médicament à usage humain ou vétérinaire ou d’un produit phytopharmaceutique. Il peut apporter jusqu’à 5 ans et demi supplémentaires de protection.
Comment étendre la durée de protection d’une invention par le brevet ? Quelles sont les conditions à respecter pour en bénéficier ?
En collaboration avec Isabelle Labarre, CPI au sein de Plasseraud IP, Xavier Rodrigues, responsable du Business Developpement, nous explique dans ce nouveau podcast de Radio Village Innovation.
La retranscription du Podcast - Comment prolonger la durée de vie des brevets ? Grâce aux Certificats Complémentaires de Protection !
Le droit français permet dans certaines conditions de bénéficier d’un allongement de la durée de protection du brevet. Comment ? Grâce aux certificats complémentaires de protection.
La durée de protection d’une invention par le brevet est normalement limitée à 20 années. Mais nous allons découvrir qu’il est possible d’étendre cette protection pour une durée supérieure en recourant au certificat complémentaire de protection.
Qu’est-ce qu’un certificat complémentaire de protection ?
Un certificat complémentaire de protection (ou CCP), c’est un titre de propriété industrielle qui permet de prolonger la durée du brevet portant sur le principe actif d’un médicament à usage humain ou vétérinaire ou d’un produit phytopharmaceutique. Le CCP est un titre distinct qui prend effet au terme légal du brevet.
Pour quelles raisons la durée du brevet peut–elle être prolongée ?
Avant de pouvoir commercialiser un médicament ou un produit phytopharmaceutique, il est nécessaire d’obtenir une autorisation de mise sur le marché (une AMM) auprès des autorités compétentes, telles que l’Agence Européenne des Médicaments. Cette procédure est longue, si bien qu’elle retarde d’autant la possibilité pour le titulaire du brevet d’exploiter son invention, d’en retirer des recettes et donc de rentabiliser ses investissements de R&D. Concrètement, le CCP vient compenser le délai d’obtention de l’autorisation de mise sur le marché. On peut voir ça comme une forme d’indemnisation du titulaire du brevet pour le préjudice qu’il subit à cause de la délivrance tardive de son droit d’exploitation.
Quelle est la durée d’un CCP ?
Chaque cas est différent ! En effet, la durée du CCP est calculée en fonction du délai entre la date de dépôt de la demande de brevet et la date d’obtention de l’AMM. A noter cependant qu’un CCP peut uniquement être délivré pour une durée maximale de 5 ans. La seule exception concerne le cas des CCP portant sur le principe actif d’un médicament. Si le médicament a été testé selon un plan d’investigation pédiatrique, alors 6 mois supplémentaires peuvent être accordés. En résumé, un CCP peut apporter au maximum jusqu’à 5 ans et demi supplémentaires de protection.
Est-ce que le CCP est une spécificité française ?
Absolument pas ! Il est tout à fait possible d’obtenir un CCP dans les autres pays de l’Union Européenne et dans d’autres pays, notamment les Etats-Unis ou encore le Japon.
Quelles sont les formalités à accomplir pour obtenir un CCP ?
Un CCP, c’est un titre national. Il faut donc le demander directement auprès de l’office national de la propriété intellectuelle du pays d’intérêt.
Typiquement, en France, les formalités de dépôt sont assez simples et aucune rédaction n’est à prévoir, contrairement aux brevets. On remplit simplement ce qu’on appelle une « requête en délivrance ». C’est un formulaire où on renseigne le nom du demandeur, le produit faisant l’objet du CCP, le brevet sur lequel se base le CCP. Et il faut aussi fournir l’AMM pour le produit en France et/ou dans la communauté européenne.
Une taxe de 520€ est à régler au moment du dépôt et des annuités seront ensuite à payer pour maintenir le CCP en vigueur, comme c’est le cas pour les brevets.
La procédure semble en effet assez simple et plutôt bon marché ! Les demandeurs auraient tort de s’en priver ! Qui peut demander un CCP ?
La seule condition pour le demandeur, c’est d’être le titulaire du brevet sur lequel se base le CCP. Lorsque le brevet a fait l’objet d’une cession, il faut que le demandeur soit le titulaire inscrit au registre national des brevets.
Existe-t-il un délai à respecter pour déposer un CCP ?
Tout à fait ! La requête en délivrance doit être déposée dans un délai de 6 mois à compter :
- Soit de la date de délivrance du brevet (si l’AMM est accordée avant la délivrance d’un brevet),
- Soit de la date d’obtention de l’AMM (si celle-ci est accordée après la délivrance du brevet).
Attention : le délai de 6 mois pour déposer une demande de CCP est extrêmement court ! Dès qu’une procédure d’AMM est en cours, il faut donc se demander si le dépôt d’un CCP est à envisager.
Est-ce que le CCP fait l’objet d’un examen, comme c’est le cas du brevet ?
Oui, dans la plupart des pays. Typiquement, en France, l’examen doit débuter dans un délai d’un an à compter du dépôt de la demande de CCP.
L’Examinateur peut émettre des objections et décider d’un rejet de la demande de CCP mais il est possible de former un recours devant la Cour d’Appel de Paris. Au contraire, si l’Examinateur n’a aucune objection, le CCP est délivré dans un délai d’un an à compter de son dépôt, ce qui est très rapide !
Quelles sont les conditions de délivrance d’un CCP ?
En France, les conditions d’obtention du CCP sont régies par un règlement européen, à la lumière des interprétations données par la Cour de Justice de l’Union Européenne.
Le règlement européen énonce que pour obtenir un CCP, le produit qui fait l’objet de la demande de CCP doit satisfaire à 4 conditions :
- Le produit doit être protégé par un brevet de base en vigueur ;
- Le produit ne doit pas avoir déjà fait l’objet d’un CCP ;
- Le produit doit avoir obtenu une AMM en cours de validité ;
- L’AMM en cours de validité doit être la première AMM du produit.
Si je comprends bien, ce ne sont pas tous les principes actifs d’un médicament ou d’un produit phytopharmaceutique qui peuvent faire l’objet d’un CCP, même si une AMM est nécessaire avant toute commercialisation ?
Tout à fait ! La Cour de Justice de l’Union Européenne s’est prononcé à de nombreuses reprises sur ce qu’il fallait entendre par « la première AMM d’un produit ».
Ont ainsi été écartées les AMM portant sur la nouvelle formulation d’un principe actif, par exemple le principe actif sous forme de nanoparticules à la place d’une solution de principe actif à diluer, et les AMM portant sur une nouvelle indication thérapeutique d’un principe actif – vous savez ce sont les informations sur la maladie que le médicament est capable de traiter ou de prévenir. Par exemple, si un produit a déjà obtenu une AMM pour la prévention/traitement d’une maladie A, prenons l’exemple du rejet de greffe, et bien l’obtention d’une AMM pour une indication B complétement différente, par exemple une maladie de l’œil, ne sera pas considérée comme une première AMM.
Une autre condition est aussi que le produit soit protégé par un brevet de base en vigueur ? Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ? Est-ce qu’un CCP ne peut être obtenu que sur la base d’un brevet de produit ?
Le brevet de base, c’est le brevet qui protège le produit en tant que tel, un procédé d'obtention de ce produit ou bien une application de ce produit. Lorsqu’un Titulaire possède plusieurs brevets, par exemple à la fois sur le produit en tant que tel et son procédé de fabrication, il est possible de choisir de déposer un CCP sur la base de l’un ou l’autre de ces brevets. Le choix s’effectue par exemple en fonction de la date de dépôt de la demande de brevet, puisque ça impacte la durée du CCP, comme on l’a dit précédemment, mais il faut également tenir compte de la rédaction du brevet.
En effet, la Cour de Justice de l’Union Européenne est également venue clarifier l’interprétation de l’expression « le produit doit être protégé par un brevet de base ». Chaque dossier nécessite bien entendu son analyse spécifique, mais en substance il n’est pas nécessaire que le produit soit spécifiquement décrit, mais il doit cependant être spécifiquement identifiable.
Un CCP permet donc à son titulaire de valoriser son portefeuille brevet, notamment en s’assurant une protection supplémentaire d’environ 5 ans vis-à-vis de ses concurrents. Inversement, j’imagine qu’il est également très important de vérifier si ses concurrents déposent des CCPs. Est-ce que c’est facile ? Comment savoir si mon concurrent a obtenu un CCP sur la base de son brevet ?
En effet, dans le cadre d’étude de liberté d’exploitation portant dans les domaines des médicaments à usage humain, vétérinaire ou les produits phytosanitaires, il est indispensable de vérifier si un CCP a été déposé. Cette information est facilement accessible en ligne auprès des registres nationaux des offices de propriété intellectuelle.
Est-il possible de challenger la validité d’un CCP ?
C’est possible, oui. Par exemple dans le domaine des brevets de médicament, il est assez courant que les génériqueurs contestent la validité à la fois du brevet protégeant le médicament, et celle du CCP.
Il faut savoir qu’un CCP peut être annulé s’il ne répond pas aux critères de délivrance tels qu’indiqués précédemment, mais également qu’aucun CCP ne peut être délivré sur la base d’un brevet annulé, et que l’annulation d’un brevet emporte l’annulation d’un CCP.
Un CCP sera aussi déclaré nul si le brevet de base n’est plus en vigueur avant l’expiration de sa durée légale de 20 ans, par exemple pour défaut de paiement des annuités.
Quelques recommandations pour conclure ?
Pour toutes celles et ceux qui déposent des demandes de brevets dans le domaine des médicaments à usage humain, vétérinaire ou les produits pharmaceutiques : n’hésitez pas à déposer des demandes de CCP. Vous pouvez obtenir jusqu’à 5 ans et demi de protection supplémentaire ! Ce serait dommage de ne pas en profiter.
Autre conseil : il ne faut surtout pas attendre la fin de vie du brevet pour solliciter un CCP, ce sera trop tard ! Il faut bien anticiper cette demande dès le début. Chez Plasseraud IP, on incite et on assiste les déposants à élaborer une stratégie de protection globale très en amont, de façon à élargir le plus possible la portée, la durée et donc la valeur des brevets.
Et enfin la jurisprudence est également cruciale dans ce domaine ; elle évolue régulièrement. Donc n’hésitez pas à vous faire accompagner par des experts qui suivent attentivement ces évolutions de jurisprudence.