Articles
Banderilles et estocade : L’Espagne se dote de procédures administratives en nullité et en déchéance de marques
C’est au tour des autorités espagnoles de mettre en œuvre le 23 janvier 2023, des procédures administratives en nullité et en déchéance de marques, conformément au mandat de la dernière Directive d’Harmonisation européenne.
Moyennant le paiement d’une taxe modeste (200 euros), les tiers pourront solliciter auprès de la « Oficina Española de Patentes y Marcas » (OEPM) la nullité ou la déchéance de marques, dans le cadre d’actions diligentées à titre principal. Les tribunaux conserveront la compétence des actions en nullité ou déchéance demandées à titre reconventionnel dans le cadre d’actions en contrefaçon.
La nullité pourra être requise sur le fondement de motifs absolus et relatifs de refus. Pour l’invocation des premiers, il ne sera pas nécessaire de justifier d’un intérêt à agir. Relèvent de cette catégorie, en plus des griefs habituels, les demandes fondées sur la mauvaise foi du déposant. Par ailleurs, ces actions sont imprescriptibles.
Pour les motifs relatifs de refus, à l’instar de l’EUIPO la législation espagnole prévoit une obligation de cumuler l’ensemble des droits antérieurs invocables. Il n’est donc pas possible de lancer diverses actions sur la base de motifs relatifs qui auraient pu être invoqués dans la première. Le demandeur devra veiller, par ailleurs, à éviter tout grief de forclusion par tolérance. Des preuves d’usage peuvent aussi être demandées à des fins d’exception, dans le cadre de procédure de nullité fondées sur des marques antérieures. Dans ce cas, les titulaires s’attacheront à apporter les preuves d’usage sur la double période pertinente : c’est là un piège dans lequel de nombreux défendeurs risquent de trébucher. En effet, sans qu’il soit nécessaire que le Demandeur à l‘action, ou l’OEPM lui-même, aient à le requérir ou simplement à le mentionner, les titulaires devront justifier de l’usage sérieux de leurs marques : d’une part, pendant la période de cinq ans immédiatement antérieure à l’introduction de l’action en déchéance, et d’autre part, le cas échéant, pendant la période de cinq ans immédiatement antérieure au dépôt de la marque initialement attaquée.
Pour la déchéance, la situation est plus simple, il n’existe qu’une période pertinente, celle des cinq ans précédant le lancement de l’action. Par ailleurs, nul besoin d’invoquer d’intérêt à agir pour le demandeur. Ce dernier est en quelque sorte implicitement inclus dans la philosophie même de ce type de procédure œuvrant pour le bien de tous : faire disparaitre du registre des titres qui faute de présence concrète sur le marché ne méritent pas d’être source de droit privatif !
Pour toutes ces actions, les titulaires des marques attaquées disposeront d’un délai de deux mois pour formuler leurs observations en réponse, et déposer les preuves d’usage requises. A une exception près : pour le dépôt de preuves d’usage demandées par voie d’exception, dans le cadre d’une demande de nullité, le demandeur ne disposera que d’un mois pour apporter les preuves requises.
Dans le cadre de l’action en déchéance, le demandeur pourra déposer des observations sur les preuves apportées par le Défendeur. Au-delà de ce cas de figure, chaque partie ne déposera qu’un seul jeu de conclusions, sauf si l’OEPM prend l’initiative de demander un complément d’argumentaire sur un point particulier. Par ailleurs, contrairement aux procédures conduites auprès de l’INPI, aucune phase orale ne peut avoir lieu.
Aucun délai officiel ou officieux n’a été fixé pour l’adoption de décisions, après la clôture de la phase contradictoire. Cela étant, l’OEPM ayant déployé des efforts importants avec la création d’un département dédié, lui-même scindé en deux services (l’un pour la nullité, l’autre pour la déchéance), il est vraisemblable que des décisions seront rendues en quelques mois seulement, du moins dans un premier temps.
Des recours seront disponibles pour les parties dont les prétentions ne seront pas satisfaites : d’abord un de nature administrative, auprès de l’Unité dédiée de l’OEPM, puis un judiciaire, auprès des cours d’appel (« Audiencias provinciales »).
Globalement, la procédure mise en place est très proche de celle en vigueur à l’EUIPO. Avec toutefois quelques différences : d’une part, l’OEPM ne rendra aucune décision sur les frais, et d’autre part les délais de procédure ne pourront pas être prorogés (sauf dans le cas particulier des demandes formulées par des parties non établies en Espagne, qui conformément à la législation sur les procédures civiles peuvent solliciter une modeste extension de délai de 15 jours). Les parties devront donc se montrer particulièrement réactives.
Pour toute information complémentaire concernant ces nouvelles procédures, n’hésitez pas à contacter les professionnels du groupe Plasseraud IP en Espagne !