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De TikTok aux masques chirurgicaux : quand la renommée d’une marque permet une protection étendue de ses droits
Retour en 2020 : l'année où un accessoire devenu incontournable, le masque de protection contre la Covid-19, s'est imposé dans notre quotidien. Initialement artisanal et en tissu, il a rapidement évolué pour devenir chirurgical, souvent bleu ou noir. Les créateurs de mode ont rapidement saisi l’opportunité de transformer ce masque en véritable accessoire tendance, incitant de nombreuses marques à lancer leurs propres collections.
Le 24 septembre 2020, un entrepreneur a déposé la marque verbale TIK TOK, exploitant la popularité croissante des masques de protection, et plus spécifiquement des masques chirurgicaux.
En 2024, la société britannique TIKTOK INFORMATION TECHNOLOGIES UK LIMITED, propriétaire des marques TIK TOK liées au réseau social mondialement connu, a estimé que l’enregistrement de cette marque pour des masques portait atteinte à ses droits. Elle a alors engagé une procédure en nullité.
Parce qu’elle ne disposait pas de droits antérieurs sur des produits similaires, la société a fondé son action sur l’atteinte portée à la renommée de ses marques, en vertu de l’article L 713-2 du Code de la propriété industrielle.
Dans une décision rendue le 26 décembre 2024, l’INPI a donné raison à TikTok (TIKTOK INFORMATION TECHNOLOGIES UK LIMITED), en considérant :
- qu’elle avait fait la preuve de la renommée exceptionnelle dans l’Union Européenne et plus particulièrement en France, préalablement au dépôt de la marque contestée, de ses marques TIK TOK pour les produits et services invoqués, les « applications logicielles informatiques téléchargeables » et les « services de réseautage social en ligne »
- qu’elle avait démontré l’existence d’un lien dans l’esprit du public entre les marques, en fournissant des documents attestant que de nombreuses entreprises commercialisaient ou distribuaient des masques chirurgicaux portant leurs marques, notamment celles destinées à un public d’adolescents ou de jeunes adultes, le même public donc que celui visé par les marques antérieures TIK TOK, et que ce public pouvait chercher à utiliser un masque chirurgical portant la marque de son réseau social préféré ;
- qu’enfin, il existe un risque de profit indu, en raison d’un transfert de l’image positive des produits et services des marques invoqués au bénéfice des produits désignés par la marque contestée, ce transfert d’image réduisant nettement la nécessité pour le titulaire de cette marque d’investir dans la publicité et lui permettant ainsi de bénéficier des efforts déployés par TIK TOK pour créer et entretenir l’image de ses marques.
Cette décision rappelle les grands principes fixant les étapes permettant de voir reconnaitre, dans une opposition ou une action en nullité, l’atteinte à la renommée de la marque.
La renommée d’une marque, même celle d’une des plus connues dans le monde d’aujourd’hui, n’est pas un fait notoire et doit être prouvée dans chaque procédure. Cette renommée permet d’agir contre des marques qui ne sont pas déposées pour des produits et services identiques ou similaires, mais il faut pour cela faire la preuve qu’il existe un lien dans l’esprit du public entre la marque contestée et la ou les marques invoquée(s). Il faut également démontrer que le titulaire de la marque contestée est susceptible de tirer un profit indu de son enregistrement ; ici encore, une seule affirmation ne suffit pas, il faut en en faire la démonstration.
Ces étapes passées, des réseaux sociaux aux masques chirurgicaux, il n’y a qu’un pas !