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La nouvelle procédure d’opposition en droit des marques
La Directive 2015-2436 imposait aux Etats membres de prévoir une procédure administrative d’opposition à enregistrement d'une marque. Une telle procédure existait en France depuis plus de 25 ans, aucun changement législatif n’était donc requis.
Pourtant, le législateur français a saisi l’occasion de la transposition de la Directive pour changer radicalement le régime des oppositions françaises.
Ce régime a été très largement calqué sur celui applicable devant l’EUIPO pour les marques de l’Union européenne.
Il se caractérise principalement par :
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La suppression du délai de six mois à compter du dernier jour où il était possible de former l’opposition à l’issue duquel l’INPI devait rendre sa décision ;
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L’instauration de la possibilité de former des oppositions formelles ;
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La suppression du projet de décision ;
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L’ouverture de la procédure à de nouveaux droits invocables ;
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La possibilité d’invoquer plusieurs droits ;
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Un nouveau régime des preuves d’usage.
I. Procédures d'opposition à une marque : droits invocables
L’Ordonnance de transposition a élargi sensiblement les droits invocables dans les procédures d’opposition, qui peuvent désormais être fondées sur les droits antérieurs suivants :
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Une marque antérieure ;
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Une marque antérieure jouissant d'une renommée ;
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Une dénomination ou une raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;
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Un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine, dont la portée n'est pas seulement locale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;
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Une indication géographique enregistrée ou une demande d'indication géographique sous réserve de l'homologation de son cahier des charges et de son enregistrement ultérieur ;
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Le nom, l'image ou la renommée d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public de coopération intercommunale ;
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Le nom d'une entité publique, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public.
Une opposition peut également être formée en cas d'atteinte à une marque protégée dans un Etat partie à la convention de Paris. C’est en pratique le cas de la marque déposée par un agent, à la place de son titulaire légitime.
Les changements qui auront certainement le plus de conséquences pratiques sont ceux permettant de former désormais des oppositions sur la base d’un nom commercial, d’une enseigne et d’un nom de domaine. Il existe encore à cet égard des incertitudes sur la notion de « nom de domaine dont la portée n’est pas seulement locale » qui constitue un concept novateur au regard du droit français actuel, mais qui devrait très probablement être perçu comme un nom de domaine qui promeut des produits ou services à destination d’une large partie du territoire français.
La possibilité d’invoquer une marque jouissant d’une renommée est également bienvenue. Elle permettra, dans le cas où l’on peut invoquer une marque bénéficiant d’une renommée particulière, d’agir contre une demande d’enregistrement de marque qui désignerait des produits et/ou services identiques ou similaires mais aussi différents, si l’usage de cette demande d’enregistrement de marque sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque invoquée, ou qu'il leur porterait préjudice.
La possibilité de former une même opposition sur plusieurs droits, qui pourront d’ailleurs être de natures distinctes, est évidemment bienvenue. Il convient toutefois de noter que, contrairement à la pratique de l’EUIOPO, une taxe supplémentaire devra être acquittée dès le deuxième droit invoqué, mais qu’en retour l’INPI devrait statuer sur l’ensemble des droits invoqués et non pas retenir seulement, de façon arbitraire, par souci d’économie de procédure, le droit qui lui paraît le plus pertinent.
II. L’organisation de la procédure d’opposition en droit des marques
Nous étions habitués jusqu’ici à une procédure d’opposition marquée par la possibilité d’une seule réponse pour le déposant, l’impossibilité pour l’opposant de répondre aux observations du déposant, l’émission d’un projet de décision pouvant être contesté par les parties.
Ce système a été totalement bouleversé.
Les procédures d’opposition seront ainsi désormais organisées en deux phases ; une phase d’instruction, pendant laquelle les parties ont la possibilité de faire valoir leurs arguments écrits et oraux, et une seconde phase à l’issue de laquelle l’INPI devra rendre sa décision.
Il sera néanmoins possible de former des oppositions formelles : l’opposant bénéficiera d’un délai d’un mois à compter du dernier jour où il était possible de former une opposition pour compléter l’opposition.
Si l’INPI considère que l’opposition n’est pas recevable, une notification sera adressée à l’opposant, qui pourra contester l’analyse de l’INPI, mais ne pourra pas régulariser l’opposition, ce qui est éminemment regrettable.
Si l’opposition est considérée comme recevable, elle sera notifiée au déposant, ce qui ouvre la phase d’instruction.
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Le déposant se voit offrir un délai de deux mois pour présenter des observations en réponse à l’opposition et, le cas échéant, demander des preuves d’usage.
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Ces observations et preuves d’usage sont communiquées à l’opposant qui dispose alors d’un délai d’un mois pour les contester et présenter les preuves d’usage requises.
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Ces observations et preuves d’usage sont notifiées au déposant, qui dispose d’un délai d’un mois pour présenter une argumentation en réponse et contester les preuves d’usage ;
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En cas de réponse du déposant, l’opposant se voit offrir un nouveau délai d’un mois pour répondre aux arguments présentés, et présenter des preuves d’usage complémentaires ;
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Le déposant bénéficie alors d’un dernier délai d’un mois pour présenter ses dernières observations, qui ne peuvent comporter aucun moyen nouveau.
En définitive, chaque partie bénéficiera au maximum de trois occasions pour présenter ses arguments, et le dernier mot sera donné au défenseur, le titulaire de la demande d’enregistrement contestée.
Une commission orale pourra être organisée, à la demande des parties ou à l’initiative de l’INPI, à la fin de la phase d’instruction.
La seconde phase de la procédure, la phase à l’issue de laquelle l’INPI devra rendre sa décision, durera trois mois. Elle commencera dès qu’une partie n’aura pas présenté des observations dans un des délais qui lui était offert et au plus tard le lendemain de la commission orale éventuelle.
L’INPI statuera au cours de cette phase, mais plus vraisemblablement à la fin, sans projet de décision préalable, ce qui constitue un changement radical avec la pratique actuelle.
Il ne sera donc plus possible de contester la décision de l’INPI dans la cadre de la procédure et l’on peut regretter, à cet égard, que le législateur n’ait pas envisagé la création d’une Chambre des Recours, comme devant l’EUIPO, afin de créer un deuxième échelon administratif.
La durée totale de la procédure, délais de notification mis à part, devrait donc être au maximum de 10 mois à compter du dernier jour où il était possible de former une opposition, et au minimum de 6 mois.
L’exigence posée par la Directive d’une procédure rapide est donc relativement satisfaite.
Les cas de suspension sont les mêmes que ceux connus jusqu’ici : droit antérieur invoqué non enregistré, marque contestée ou droit invoqué objet d’une action judiciaire. Il sera possible de suspendre la procédure, par accord entre les parties, pour trois périodes, successives ou non, de 4 mois (et non plus seulement deux fois trois mois). L’INPI aura également la possibilité de suspendre de lui-même la procédure, sans accord des parties, dans l’attente d’informations et d’éléments susceptibles d’avoir une incidence sur l’issue du litige ou la situation des parties.
III. Procédure d'opposition en droit de marque : le nouveau régime des preuves d’usage
Dans la pratique traditionnelle de la procédure d’opposition en droit des marques, les preuves d’usage qui devaient être fournies à la demande du déposant devaient, pour être recevables, être de nature à établir que la déchéance de la marque antérieure n’était pas encourue. Les Cours d’Appel ont, à de nombreuses reprises, précisé les limites de l’interprétation que pouvait faire de l’INPI de ces pièces en imposant une interprétation stricte : l’INPI ne pouvait exiger des pièces fournies qu’elles attestent d’un usage effectif. Il devait juste vérifier si ces pièces étaient de nature à attester de cet usage.
En outre, il suffisait de fournir des preuves d’usage relatives à l’un quelconque des produits et services invoqués, quand bien même aucune identité ou similarité entre ces produits et services et ceux de la demande contestée n’était retenue.
Cette pratique, très rassurante pour l’opposant, qui pouvait affronter une demande de preuves d’usage sans trop de crainte, est aujourd’hui révolue.
En effet, le nouveau texte impose à l’opposant de fournir des pièces propres à établir que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux. De plus, aucune disposition du texte ne lui permet de se contenter de fournir des preuves attestant de l’usage pour une partie des produits et services en cause.
L’opposant devra donc fournir des preuves complètes, c’est-à-dire pour l’ensemble des produits et services invoqués, et pertinentes, c’est-à-dire attestant d’un usage sérieux de la marque.
Les exigences du nouveau régime, qui sont alignées sur celles de l’EUIPO, sont donc beaucoup plus lourdes.
Elles doivent donc conduire à invoquer avec beaucoup de circonspection des marques soumises à obligation dans une opposition (marques enregistrées depuis plus de cinq ans).
Il convient de noter que l’opposant ne pourra compléter les pièces déjà fournies que si le déposant a présenté des observations en réponse aux preuves d’usage ou aux premières observations de l’opposant. En effet, à défaut de réponse, la phase d’instruction aura pris fin et l’opposant ne pourra plus compléter les premières preuves fournies.
En outre, la nature du recours contre les décisions statuant sur des oppositions n’a pas été modifiée : ces recours restent des recours en annulation et non en reformation. Le requérant ne peut ainsi ni invoquer de nouveaux moyens, ni présenter de nouvelles preuves d’usage. Le débat sur l’usage de la marque antérieure sera donc figé sur les pièces fournies pendant la procédure.
Il sera donc sans doute préférable de profiter de la possibilité offerte d’invoquer plusieurs droits antérieurs, de natures différentes (marques, dénominations sociales, noms de domaines) pour invoquer un droit dont il ne sera pas nécessaire de prouver l’usage.
IV. Entrée en vigueur
La nouvelle procédure d’opposition en droit de marque ne concerne que les marques déposées à compter du lendemain de l’entrée en vigueur de l’ordonnance de transposition de la Directive le 11 décembre 2019.
En d’autres termes, toutes les marques déposées au plus tard le 10 décembre 2019 sont soumises à l’ancienne procédure, toutes celles déposées à compter du 11 décembre 2019 sont soumises à la nouvelle procédure.
En définitive, la modification de la procédure d’opposition en France va permettre un accroissement significatif des possibilités d’action contre les demandes d’enregistrement de marques nouvellement déposées.
Le nouveau régime des preuves d’usage peut rendre dangereux le fait d’invoquer des marques soumises à obligation d’usage. Il faudra tirer parti des nouvelles dispositions sur l’extension des droits invocables et la possibilité d’invoquer plusieurs droits pour sélectionner au mieux les droits invoqués dans la procédure.
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