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Les accords de coexistence de marques
Le code de la propriété intellectuelle dispose en son article L.711-4 « Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs (…) ».
L’essence même d’une marque est de permettre d’identifier l’origine des produits ou services, d’en attribuer la responsabilité à une entité précise et identifiable.
Par conséquent, des signes identiques ou très proches ne devraient donc pas pouvoir coexister, sous peine de porter atteinte à des droits antérieurs, de tromper le consommateur sur l’origine des produits et services proposés.
Les accords de coexistence, qui ne vont pourtant pas à l’encontre de ce principe, sont un moyen efficace de permettre à deux titulaires de marques d’organiser la coexistence pacifique de leurs marques.
D’usage fréquent en raison de leur évident intérêt (ils évitent les contentieux, ils sont peu couteux, dans la quasi-totalité des cas sans contrepartie financière), leur apparente simplicité peut cacher un certain nombre de pièges.
Il est donc très utile d’en connaitre les arcanes.
1. Accord de coexistence. Kesako ?
Comme son nom l’indique, il s’agit, d’une part d’un contrat et d’autre part d’un moyen d’organiser l’existence concomitante paisible de deux signes distinctifs, en l’espèce de marques.
Un tel accord implique nécessairement que l’une des parties ait connaissance de l’existence d’une marque identique ou similaire à la sienne, déposée pour des produits ou services a priori identiques ou similaires aux siens, révélant ainsi un risque de conflit au moins d’ordre juridique plutôt que commercial.
La marque « gênante » ainsi identifiée peut avoir été découverte dans diverses circonstances, et notamment lors de recherches de disponibilité, dans le cadre d’une surveillance, ou encore suite à une objection d’un office.
En vue de trouver une solution, afin d’éviter un conflit ou de répondre à une procédure, l’une des parties contacte l’autre pour chercher un arrangement amiable, obtenir son consentement et organiser la coexistence (existence concomitante) pacifique de leurs signes respectifs.
La conclusion d’un accord de coexistence présuppose bien évidemment que, en dépit des ressemblances constatées, les deux parties soient d’accord pour permettre à leurs marques de coexister, soit parce que leurs domaines d’activité respectifs ne sont pas directement concurrentiels.
La volonté des parties d’organiser la coexistence de leurs marques de manière amicale ne signifie pas pour autant qu’elles sont prêtes à protéger leurs propres intérêts.
Il convient donc d’être particulièrement vigilant sur l’ensemble des dispositions de l’accord, car il s’agit d’organiser la liberté de chacun tout en fixant des contraintes.
2. Les points de vigilance.
Un accord de coexistence implique d’abord le consentement du titulaire de la marque la plus ancienne pour l’enregistrement de la marque seconde, mais également des engagements réciproques qui restreignent, fixent des limites et sont de nature à restreindre l’exploitation des signes.
L’objectif pour les deux parties à l’accord consiste donc à trouver un terrain d’entente, de manière à ne pas empiéter sur les activités de l’autre, à ne pas tirer avantage des efforts de l’autre et à se distinguer l’un de l’autre.
Les dispositions les plus « sensibles » des accords de coexistence, qui demandent par conséquent une attention particulière, sont celles portant sur les points suivants:
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les conditions de dépôt et d’exploitation des marques en présence : celles-ci étant amenées à coexister, elles ne doivent pas générer de confusion chez le consommateur. En pratique, ce sera à la partie demanderesse de faire des efforts quant à la présentation de son signe, en y apportant des amendements ou des ajouts, en limitant son usage à telle ou telle couleur, ou en l’accompagnant d’un logo par exemple ;
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les conditions dans lesquelles les marques sont exploitées par chaque partie : modes de communication (slogans, baseline, campagnes publicitaires…) , circuits de distribution, vente en ligne, vente en gros ou au détail… Plus les conditions d’exploitation seront distinctes, plus il sera aisé de faire coexister les marques.
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les produits ou services que la partie demanderesse à l’accord pourra revendiquer dans son dépôt et dont elle pourra faire usage commercial, sans porter atteinte aux droits et aux intérêts du titulaire de la marque la plus ancienne. Cette partie de l’accord peut être formalisée par la limitation du libellé à un domaine d’activité convenu, par l’exclusion d’un domaine d’activité ou par une répartition entre les parties des produits ou services qui, bien que distincts, relèvent de la même classe.
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la portée territoriale de l’accord. Cette question est trop souvent mal abordée lors de la discussion des accords de coexistence.
En effet, dans les situations les plus courantes, les parties ont besoin de conclure un accord sur un territoire limité (par exemple la France) mais, pensant que "qui peut le plus, peut le moins", la rédaction de l’accord prévoit souvent une portée internationale, sans apporter plus de précisions quant aux pays visés.
Il est important d’attirer l’attention des titulaires de marques sur le fait que tous les Offices des Marques de certains pays ne reconnaissent pas les accords de coexistence, jugeant que la coexistence de deux marques identiques ou très proches ne relève pas simplement de la décision des parties concernées, mais concerne au premier chef un intérêt plus général, par exemple celui des consommateurs.
Les signataires de l’accord, pensant avoir résolu le problème une fois pour toutes, seront donc surpris de constater que leur accord de coexistence n’est pas reconnu par les Offices dans divers pays, comme le Japon, la Turquie ou la Corée…
Par ailleurs, la coexistence entre deux marques dans un ou plusieurs pays déterminés n’implique pas que ces marques coexisteront sans préjudice dans d’autres pays, non visés dans l’accord.
Il est donc très important que les parties à l’accord veillent soigneusement à préciser les pays concernés pas la coexistence.
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La durée est également une question d’importance dans les accords de coexistence.
Il est fréquent en pratique de ne pas mentionner de durée, celle-ci étant alors implicitement convenue comme étant la durée de protection des marques concernées.
En pareil cas, on peut supposer que la coexistence convenue contractuellement ne cessera qu’avec la disparition de l’une ou l’autre des marques, notamment pour cause d’annulation ou de non renouvellement
Toutefois, les conditions initiales de l’accord risquent, au fil des ans, de se révéler inadaptées à l‘évolution naturelle de la situation des parties.
Les marques elles-mêmes auront pu changer : nouvelles présentations, nouveaux produits, nouvelle communication, nouveaux circuits de distribution … de sorte que l’accord conclu en un temps donné peut devenir « paralysant » et ne plus convenir à l’une ou l’autre des parties.
Les parties auront donc intérêt à mentionner une durée précise et un mécanisme qui permet une remise à plat de l’accord, pour envisager une adaptation ou une renégociation de l’accord pour tenir compte des évolutions susceptibles d’impacter la portée de l’accord, par exemple Brexit...
3. Négocier et conclure un accord de coexistence : prudence et anticipation …
-> Il faut donc prêter une attention particulière à l’ensemble de ces points avant de finaliser un accord et se poser certaines questions, en se demandant en particulier quelles évolutions de la marque du co-contractant ou de son logo sont, ou ne sont pas, acceptables, et quels marchés (aussi bien en termes de territoires que d’activités) pourraient, dans le futur, intéresser l’une ou l’autre des parties.
-> Par ailleurs, les contrats de coexistence étant d’interprétation stricte, tout ce qui n’est pas expressément prévu est interdit (autoriser l’ usage ne signifie pas autoriser un dépôt, un logo bleu ne peut pas devenir orange, des pulls ne sont pas des chaussettes…).
-> Il est donc judicieux de prévoir qu’en cas de modification substantielle de l’activité ou de la marque, les parties se rapprocheront pour décider si l’accord pourra s’étendre à ce nouveau projet ou si un autre accord est envisageable.
-> Le contrat ayant vocation à régler un conflit actuel ou à venir, notamment auprès des offices nationaux, il faut s’assurer de l’assistance réciproque rapide et facilitée dans l’obtention, par exemple, de lettres de consentement, mais également de la non-contestation réciproque.
Toutes ces précautions sont d’autant plus nécessaires que l’accord de coexistence conclu par une partie devient un accessoire de sa marque, susceptible de lier le titulaire au moment de la transmission du droit à un tiers (cession de la marque, transmission de l’entreprise etc…), mais également au moment de conclure un accord de licence.
L’accord de coexistence peut donc faire peser sur la marque une sorte d’hypothèque, qu’il ne sera pas toujours aisé de purger en cas de nécessité.
Moyen contractuel très pratique pour anticiper les contentieux de marques, la discussion et la rédaction d’un accord de coexistence soulève donc de multiples questions plus complexes qu’il pourrait paraitre de prime abord.
Nos juristes, habitués à ces accords, sont à votre disposition pour vous assister dans ces démarches chaque fois qu’une coexistence allant dans le sens de vos intérêts est envisageable.