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"May the Force be with use" (*)
Quel que soit le pays dans lequel votre marque est déposée ou enregistrée, sa protection est conditionnée, d’une manière ou d’une autre, à son bon usage.
Retour sur une obligation souvent jugée sévère, mais bien souvent cruciale, à la charge du titulaire de marque.
La marque a pour vocation essentielle de distinguer, dans l’intérêt des consommateurs, les produits ou services en provenance d’une entreprise de ceux ayant une autre origine. Ce n’est donc qu’en contrepartie de l’accomplissement effectif de cette mission première que son titulaire se voit octroyer un monopole exclusif et renouvelable à l’infini.
- Quel risque pour un titulaire, en l’absence d’usage suffisant de sa marque ?
En fonction des pays et de la voie de dépôt que ce dernier aura choisi, les modalités d’obtention, les conditions de protection et la durée du droit varieront.
Mais, capitale la condition d’usage, elle, restera.
Dans certains territoires, l’exploitation promise ou effective du signe sera une condition sine qua non de son enregistrement, de son renouvellement ou de sa survie. Sous la quasi-totalité des régimes, le défaut d’usage d’une marque permettra à un tiers attaqué ou intéressé de solliciter l’invalidation du titre, son inopposabilité ou le rejet d’une action.
La sanction d’une absence d’exploitation suffisante, ou en tout cas, d’une incapacité à fournir des preuves d’une telle exploitation, est donc sévère pour les titulaires.
- Comment se prémunir contre la déchéance pour défaut d’usage ?
Du bon usage de la documentation d’entreprise en matière de marques
Compte tenu des évolutions technologiques en matière d’archivage, de traçage et de numérisation de documents, il devient plus aisé de conserver des justificatifs sur le long terme. Mécaniquement, les exigences des Offices de Propriété Industrielle et Tribunaux en matière de démonstration de la preuve de l’usage ont tendance à se renforcer et à s’uniformiser.
Pour cette raison, il nous a paru important d’attirer l’attention de nos lecteurs sur l’intérêt de constituer cette preuve au fur et à mesure de la vie de la marque, de façon organisée et systématique, pour la rendre rapidement exploitable.
A titre d’exemple, dans le cadre d’une procédure d’opposition ou d’invalidation à l’encontre d’une demande ou d’un enregistrement de marque de l’Union Européenne, le titulaire du droit antérieur [sous réserve que cette marque ait plus de 5 ans] est généralement amené à justifier de l’exploitation réelle et sérieuse de sa marque au cours d’une période clairement définie de 5 années. L’Office européen (EUIPO), exige alors la production d’un dossier structuré, dans la langue de la procédure [notez que pour les preuves d’usage qui n’auraient pas été produites dans la langue de la procédure c’est à la discrétion de l’Examinateur d’exiger une traduction des éléments « nécessaires »] et dans des délais très précis.
Bien que l’appréciation de la preuve de l’usage soit par essence factuelle et se fasse de façon globale, les éléments fournis à son appui doivent être numérotés, décrits précisément, indexés et permettre de déterminer immédiatement et de manière cumulative :
- le lieu ;
- la durée ;
- l’importance ;
- la nature de l’usage.
A défaut, ils risquent de n’être pas pris en considération, ce qui aboutirait à un rejet automatique de l’action engagée et/ou aurait pour conséquence une invalidation de votre titre.
S’il y a lieu d’étudier certains documents de manière combinée, il convient alors de mettre en évidence le lien qui les unit ; à titre d’exemple, une facture datée comportant une référence catalogue devra être reliée dans l’index, à la page exacte dudit ouvrage, montrant la marque et décrivant le produit.
Certes, c’est en grande partie à votre Conseil en Propriété Industrielle que revient au final ce travail de mise en forme, d’argumentation et de respect des exigences de l’Office mais, afin d’économiser du temps et de limiter les frais (Cf. ci-dessus), l’anticipation est fondamentale.
Pour vous aider à faire face le moment voulu à une telle requête, nous avons listé ci-après des exemples non exhaustifs de documents et informations de nature à justifier de l’usage d’une marque dès lors qu’ils sont datés, comportent la marque et/ou permettent de faire le lien entre cette dernière et les produits ou services pertinents, déjà commercialisés (ou dont la commercialisation est imminente) :
- Catalogues et brochures commerciales ;
- Emballages, étiquettes, photographies de produits ;
- PLV, stands de vente et d’exposition ;
- Participations aux foires et autres salons (photographies attestant une présence commerciale in situ datée) ;
- Factures et bons de commandes ;
- Barèmes de prix ;
- Dossiers de presse;
- Annonces publicitaires ou commerciales ;
- Investissements et achat d’espaces publicitaires ;
- Chiffre d’affaire réalisé par produits ou services et attesté par un tiers à l’entreprise ;
- Sondages commerciaux ;
- Récompenses et prix obtenus ;
- Pages de sites Internet mettant en évidence la vente, l’offre en vente et la promotion des produits ou services sous la marque concernée (espaces de vente en ligne, devises de paiement acceptées, zones géographiques de livraison, langues du site, etc.) ;
- Historique des pages de sites internet et de leurs modifications, via des sites dédiés ;
- Statistiques ciblées et décryptées de visites de sites internet commerciaux accompagnées de preuves de commandes de produits via ces sites ;
- Articles et déclarations d’utilisateurs de blogs, forums de discussion, réseaux sociaux ;
- Listes de distributeurs des produits ou services marqués ;
- Contrats d’exploitation et de distribution conclus ;
- Sponsoring, partenariats ;
- Déclarations sur l’honneur de tiers intéressés ;
Nous vous recommandons dès à présent de rassembler et classer les documents dont vous disposeriez déjà et/ou de commencer ce travail d’organisation, dès que votre marque sera exploitée.
Nous vous proposons bien entendu de vous assister dans le stockage, la conservation et le classement numérique de ces éléments. Dans ce cas, il conviendra de nous les faire suivre régulièrement.
N’hésitez pas à vous rapprocher de votre conseil habituel pour en discuter avec lui/elle.
(*)“Que l’usage soit votre Force”