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Nouveau Règlement de Procédure des Chambres de Recours
Le Conseil d’Administration de l’Office européen des brevets (OEB) a adopté à l’unanimité le nouveau Règlement de Procédure des Chambres de Recours (RPCR), lors de la session qui s’est tenue les 26 et 27 juin dernier.
Les Chambres de Recours sont les premières et dernières instances juridictionnelles dans les procédures devant l’Office européen des brevets. Elles ont pour mission de réexaminer les décisions contestées rendues par les instances du premier degré de l'OEB dans le cadre de la Convention sur le brevet européen (CBE).
Les principaux changements du RPCR portent sur les articles 10 et 12 à 15, lesquels :
- réaffirment le principe de la procédure de recours comme celui d’une révision de nature juridictionnelle de la décision attaquée et adoptent une approche convergente à trois niveaux concernant la modification des moyens invoqués (Articles 12 et 13 RPCR) ;
- apportent des précisions sur l’accélération de la procédure de recours (Article 10 RPCR) ;
- détaillent le calendrier des procédures orales et le rendu des décisions (article 15 RPCR).
Ces changements transposent et intègrent la jurisprudence actuelle des Chambres de recours et consacrent le principe selon lequel la procédure d’appel vise seulement et uniquement à statuer sur la décision attaquée.
L’OEB affirme ainsi sa volonté de rendre la procédure d’appel plus rapide et efficace, imposant d’adapter notre pratique à travers notamment la soumission de tous les faits, arguments et preuves dès le stade de la première instance.
En effet, ne seront examinés dans le cadre du recours, que les requêtes, faits ou autres éléments valablement soulevés et maintenus jusqu’à ce que l’instance du premier degré prenne sa décision.
L’admission d’autres moyens sera laissée à l’appréciation de la Chambre.
Il semble donc difficile de garder un atout dans sa manche pour la procédure de recours.
Articles 12 et 13 du nouveau Règlement de Procédure des Chambres de Recours : Fondements de la procédure de recours et modifications des moyens des parties
L’Article 12 fournit une définition de la nature et de la portée de la procédure de recours conformément à la jurisprudence établie et clarifie les documents devant être pris en compte durant cette procédure (point 1). Le RPCR adopte par ailleurs une approche convergente à trois niveaux concernant la modification des moyens invoqués (point 2) et ce tel que défini dans les nouveaux articles 12 et 13 RPCR.
1. Nature et portée du recours
La procédure de recours a pour objet la révision de la décision attaquée. Les moyens invoqués doivent, en conséquence, porter sur les requêtes, les faits, les objections, les arguments et les preuves de la décision contestée.
La procédure de recours se fonde donc sur la décision en cause ainsi que les procès-verbaux de toute procédure orale devant l’instance ayant rendu la décision, le mémoire de recours et la réponse au mémoire, toutes notifications de la Chambre et réponses émanant des parties ainsi que les procès-verbaux de visioconférences ou conférences téléphoniques le cas échéant.
Des moyens invoqués par une partie dans le cadre du recours, qui ne portent pas sur des requêtes, faits ou autres éléments sur lesquels la décision attaquée est fondée, seront considérés comme des moyens modifiés.
L’admission de ces moyens modifiés est évaluée selon une approche convergente à trois niveaux, dont la mise en œuvre est désormais régie par les nouveaux articles 12 et 13 RPCR.
2. Modifications des moyens : approche convergente à trois niveaux
- Premier niveau - Admissibilité de moyens sur lesquels la décision attaquée ne se fonde pas (Article 12(4) à (6) RPCR)
La Partie devra démontrer que les requêtes, faits, preuves et objections ont été avancés et maintenus durant la procédure de première instance afin qu’ils ne soient pas considérés comme des moyens modifiés.
En cas de modification, l’admission de ces moyens modifiés sera laissée à l’appréciation de la Chambre, en tenant compte, de la complexité de la modification, de sa pertinence et du principe d’économie de la procédure.
La liste non exhaustive des critères que la Chambre peut appliquer, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, est fondée sur la jurisprudence établie.
Typiquement, des requêtes, des faits ou autres éléments non admis dans la procédure en première instance pourront être admis dans les cas où l’instance du premier degré a exercé son pouvoir d’appréciation de manière erronée ou si les circonstances ont changé au cours du recours (e.g. admission d’un document considéré comme pertinent suite à une modification).
A contrario, la Chambre n’admettra pas des moyens qui auraient pu et dû être soumis au cours de la procédure de première instance (e.g. un document dans la main de l’opposant), ou qui n’ont plus été maintenus durant cette procédure (par exemple en cas de retrait de requête).
- Deuxième niveau – Admissibilité de moyens non présents dans le mémoire de recours ou la réponse au mémoire mais présentés avant qu’une citation à une procédure orale n’ait été signifiée (Article 13(1) RPCR)
L’admission est laissée à l’appréciation de la Chambre. Les critères du premier niveau s’appliqueront mais de manière plus stricte. Les parties devront justifier la raison pour laquelle la modification est apportée à ce stade de la procédure.
Typiquement, il faudra démontrer en quoi la modification est appropriée pour résoudre les questions qui ont été valablement soulevées par une autre partie ou par la Chambre durant la procédure de recours.
En cas de modification des revendications, il incombera à la partie de démontrer pourquoi la modification surmonte, de prime abord, les objections soulevées et en quoi elle ne donne pas lieu, de prime abord également, à de nouvelles objections.
- Troisième niveau : Admissibilité de moyens soumis après une convocation à la procédure orale (Article 13(2) RPCR)
Des moyens modifiés présentés à ce stade de la procédure ne seront pas pris en compte, sauf circonstances exceptionnelles que la partie concernée aura justifiées avec des arguments convaincants.
Typiquement, une objection soulevée pour la première fois dans la convocation à la procédure orale pourrait être considérée comme circonstance exceptionnelle. Ces modifications du RPCR s’inscrivent en droite ligne de la jurisprudence développée et établie par les Chambres de Recours et imposent aux Demandeurs / Titulaires / Opposants, de développer et soumettre tous leurs arguments, objections et preuves dès la première instance.
Article 10 du nouveau Règlement de Procédure des Chambres de Recours : Précisions sur l’accélération de la procédure de recours
Les nouveaux paragraphes 3 à 6 de l’article 10 remplacent le Communiqué du Vice-Président chargé de la Direction générale 3, en date du 17 mars 2008, relatif à l’accélération de la procédure devant les Chambres de Recours (JO OEB 2008, 220).
L’accélération peut être requise par une partie, une juridiction ou une autre autorité compétente dans un Etat contractant ou par la Chambre elle-même. Contrairement à la juridiction, qui n’aura pas besoin, aux termes de l’article 10 d’avancer de motif spécial, une partie la requérant devra exposer les motifs, justifiant l’accélération du recours. Le terme « juridiction », viserait à inclure, selon les remarques explicatives du RPCR, la Juridiction Unifiée des Brevets (JUB).
Le nouveau paragraphe 3 confère à la Chambre un pouvoir d’appréciation pour statuer sur toute requête en accélération présentée par une partie. Si la partie n’a plus besoin de démontrer un intérêt légitime à agir (exigence du communiqué actuel), celle-ci devra fournir les motifs ainsi que des pièces justificatives à l’appui.
Le fait que d’éventuelles licences ayant pour objet le brevet en cause dépendent de l’issue du recours, sera considéré comme un motif valable, à l’instar de l’introduction d’une action en contrefaçon.
Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, la Chambre pourra refuser d’accélérer la procédure, même si la raison invoquée le justifierait, au motif que plusieurs affaires font déjà l’objet d’une accélération devant elle.
Article 15 du nouveau Règlement de Procédure des Chambres de Recours : Procédure orale et rendu de décisions
- Procédure orale
L’article 15 vise à introduire un calendrier de procédure et régit les délais dans lesquels les parties devront être citées à une procédure orale ainsi que les délais d’envoi des notifications et le prononcé des décisions sur le recours.
De plus, une liste non-exhaustive des motifs sérieux qui justifient le report et la fixation d’une nouvelle date de procédure orale est fournie. Cette liste remplace l’actuel paragraphe 2 du RPCR et le Communiqué du Vice-Président chargé de la Direction générale 3 de l’OEB, en date du 16 juillet 2017, relatif à la tenue de procédures orales devant les Chambres de recours de l’OEB (JO OEB 2007, Edition spéciale n°3, 115). Une liste des motifs qui ne justifient pas un changement de date est également fournie.
Le motif doit être considéré comme sérieux et concerner le mandataire. Cette appréciation est laissée à la Chambre.
- Rendu de décisions
Il est introduit, dans le RPCR, la possibilité de fournir les motifs des décisions sous forme abrégée si :
- la décision prise afin de clore la procédure de recours a été prononcée durant la procédure orale et à condition que les parties donnent leur consentement ; ou
- la Chambre est d’accord avec les conclusions de la décision attaquée sur une ou plusieurs questions. Le consentement explicite des parties n’est, ici, pas exigé.
Dans sa forme abrégée, la décision contiendra l’exposé sommaire des faits et les motifs se résumeront aux conclusions décisives sur lesquelles la décision est fondée.
Si la Chambre est informée d’un intérêt légitime à ce que la décision écrite contienne le raisonnement complet de la Chambre, alors la décision ne sera pas abrégée. La Chambre peut tenir compte des éventuels effets sur la qualité de la décision, de la cohérence et de l’évolution de la jurisprudence des Chambres de Recours ainsi que des intérêts des tiers, d’une juridiction ou du public.
Entrée en vigueur et dispositions transitoires
La version révisée du du nouveau Règlement de Procédure des Chambres de Recours rentrera en vigueur le 1 janvier 2020 et s’appliquera à tout recours qui est en instance à cette date, ou qui est formé après cette date.