Articles
Première décision de l’INPI dans le cadre d’une action en déchéance… Irrecevabilité
Nous l’avions attendu longtemps, et l’avons vécu confiné : depuis le 1er avril 2020 l’INPI est compétent pour statuer en matière de nullité de marque pour défaut d’usage.
L’Institut a rendu le 10 juillet sa première décision à cet égard, laquelle ne nous permet malheureusement pas encore de savoir comment l’Office français va aborder la matière, celle-ci ayant déclaré irrecevable l’action en déchéance engagée.
En l’espèce, Madame Simone D, titulaire de la marque contestée, a adressé une mise en demeure au demandeur à l’action en déchéance, BRASSERIE DU CASTELLET, de renoncer à deux marques FADA dont ce dernier est titulaire, invoquant un risque de confusion avec sa propre marque antérieure FADA COLA.
Manifestement infructueuse, le licencié exclusif de la marque FADA COLA, contestée, engage une action en contrefaçon ainsi qu’en concurrence déloyale devant le Tribunal judiciaire de Marseille.
En plus de demander des preuves d’usage dans le cadre de l’action judiciaire, BRASSERIE DU CASTELLET engage une action en déchéance auprès de l’INPI à l’encontre de la marque FADA COLA.
Fait important, l’action en contrefaçon est fondée uniquement sur les produits désignés sous la marque FADA COLA, alors que l’action en déchéance porte sur la totalité des produits mais également des services couverts par celle-ci.
On le sait, la transposition du paquet marque a ouvert la possibilité de pouvoir agir directement en annulation pour défaut d’usage auprès de l’Institut, et non, plus comme c’était le cas précédemment, auprès des Tribunaux.
Afin d’éviter la multiplication des procédures, le législateur est en effet venu préciser :
- Article L716-5 du Code de la Propriété Intellectuelle « Lorsque les demandes [en déchéance fondées sur l’article L. 714-5] sont formées à titre principal ou reconventionnel par les parties de façon connexe à toute autre demande relevant de la compétence du tribunal et notamment à l’occasion d’une action introduite sur le fondement [de la contrefaçon] (…) ou à l’occasion d’une action en concurrence déloyale (…) ».
- Article R. 716-5 du code de la propriété intellectuelle :« est déclarée irrecevable toute demande en (…) déchéance formée en violation de l'article L. 716-5 (…) »
Dans le juste respect des textes, l’INPI déclare cette action irrecevable en s’appuyant sur une argumentation étayée à partir des dispositions du code de procédure civile définissant « connexité » et « demandes reconventionnelles » et du rapport du Président de la République relatif à l’ordonnance relative aux marques de produits ou de services.
On aurait pu croire que l’Office accueillerait partiellement l’action en annulation pour défaut d’usage pour les services sur lesquels n’étaient pas fondée l’action en contrefaçon, notamment puisque, ne peuvent agir auprès des Tribunaux que les personnes justifiant d’un intérêt à agir, condition qui n’est pas exigible dans le cadre des actions menées auprès de l’INPI.
A cet égard, l’Institut précise dans sa décision que « l’article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle ne prévoit pas un partage de compétence selon les motifs ou les produits invoqués au sein d’une même demande en nullité ou en déchéance, laquelle relève dans sa globalité de la compétence de l’INPI ou de celle du tribunal judiciaire. »
Pour ce qui concerne les produits sur lesquels se base l’action en contrefaçon et en concurrence déloyale, le plaignant conserve la possibilité de former une demande reconventionnelle auprès du Tribunal de Justice.
Comment réagir contre les autres produits et services? En effet, engager une action en déchéance peut être un moyen de défense et de pression, par exemple pour favoriser une issue amiable.
Est-ce que, dans pareille situation, une action en déchéance aurait été déclarée recevable dans la mesure où elle n’aurait été formée qu’à l’encontre des services sur lesquels l’action judiciaire ne reposait pas ?
Dans la mesure où l’action en déchéance est indépendante de l’action judiciaire, le plaignant ne justifie pas d’un intérêt à agir et devrait être déclaré irrecevable auprès des Tribunaux de Justice.
On peut donc penser que, devant l’INPI, si l’action n’est formée qu’à l’égard des produits et/ou services sur lesquels l’action judiciaire n’est pas fondée, l’Office ne pourra la rejeter pour irrecevabilité, à défaut de quoi le demandeur bénéficierait de moins de droits que tout justiciable, puisque tout autre tiers pourrait agir.
Dans l’hypothèse où l’INPI et les tribunaux venaient à refuser la possibilité à la personne poursuivie d’engager une telle action, on risque de voir apparaitre des situations ubuesques d’actions en déchéance engagées par des personnes extérieures au dossier judiciaire mais qui ont un lien avec le défendeur.
Cela soulève également et surtout la question de la stratégie d’attaque en cas de situation conflictuelle.
Les Conseils de Plasseraud IP se tiennent bien entendu à votre disposition pour vous accompagner dans la gestion des situations conflictuelles et mettre en place des stratégies de défense et d’action.