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Chronique Plass’TAD#8 – petite veille de jurisprudence
Soyez fous, sinon flous
La possession d’un droit privatif de marque oblige le propriétaire de celle-ci, dans le choix du nom retenu, à faire un petit effort de distanciation par rapport à son activité, pour espérer obtenir la protection souhaitée.
Il certes tentant de s’orienter vers des mots signifiants, gage d’être immédiatement compris par le public, mais ce faisant l’on s’expose alors
- au pire, à un rejet net, la législation refusant de donner à un seul, un monopole sur des vocables dont ses concurrents auraient besoin
- au mieux (si l’on peut dire), à l’obtention d’un droit faible, à la merci d’une demande en invalidation, et en tout état de cause au champ d’action réduit, obligeant à tolérer des signes très proches, rendant ainsi sa possession peu utile.
L’exclusivité que confère une marque exige en retour que cette dernière fasse preuve sinon de créativité ou de fantaisie, du moins d’un petit souffle d’imagination, d’une pincée d’extravagance ou d’un soupçon de fabulation, gages de fiabilité juridique.
Ces ingrédients, certes exigeants, font malheureusement défaut à bon nombres de demandes, qui, ne pouvant décemment prétendre à un quelconque envol, s’écrasent lamentablement à la porte des offices.
Or des rejets de signes basiques, indignes de protection, portant leur mort assurée comme le nez au milieu de la figure, il y en a des centaines, face auxquels les offices font ce qu’ils peuvent, refusant à tour de bras, mais se laissant déborder quelques fois.
Parmi ces dépôts clairement à éviter, car ouvertement dans le collimateur des examinateurs depuis quelques années, on soulignera les combinaisons mêlant sigle et développé de ce dernier.
Il est certes irritant de se voir bombarder d’acronyme à longueur de journée, car notre cerveau fatigué en oublie souvent la signification.
Toutefois sur le terrain des marques justement, il faut s’abstenir de donner un sens, aux successions absconses de lettres, si l’on veut avoir une chance de passer avec succès la phase d’examen.
Il est ainsi recommandé de déposer le sigle isolément, en se gardant bien d’en donner la signification, au risque de s’exposer à un véto.
C’est pour ne pas avoir respecté ce principe que se sont vu récemment repoussées les marques suivantes :
- IPL INNOVATIVE PACKAGING LEADERS – désignant des produits et services d’emballages
- BBA "BYE BYE ALLERGIES" – pour des médicaments et soins de santé
- PROOF OF PROCESSED PAYMENT (POPP) – visant notamment des logiciels et services bancaires
- CERTIFIED CLINICAL RESEARCH COORDINATOR CCRC – pour des services de certification du personnel
Alors qu’un dépôt des seuls IPL, BBA, POPP et CCRC auraient plus que certainement été acceptés partout où la combinaison a été repoussée.
Soyez légers, soyez évasifs, énigmatiques et mystérieux, et vos marques alors, rejoindront le panthéon, des signes protégés.
Take care !
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INPI – 25/02/2020 – Avis de refus provisoire partiel de la fraction française de la marque internationale n° 1441844
IGE/IPI Suisse – 21/02/2020 - Enregistrement international n° 1428063 -
IGE/IPI Suisse – 21/01/2020 - Enregistrement international n° 1417659 –
EUIPO 28/06/2020 – demande ° 18007141