Articles

Brevets verts : un atout contre le réchauffement climatique
Brevets

Brevets verts : un atout contre le réchauffement climatique

Un pacte vert européen

L’accord de Paris signé en 2015 lors de la COP21 ambitionnait de limiter le réchauffement planétaire à moins de 2°C. L’alerte sur le réchauffement climatique et la nécessité de le réduire en dessous des 2°C a été renouvelée en 2018 par les scientifiques du Groupe intergouvernemental sur le climat (GIEC).

Dans ce contexte, l’exécutif européen proposa en 2019, le Pacte vert1 comme étant “la nouvelle stratégie de croissance” de l’UE destinée à réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’objectif principal du Pacte vert est que l’Europe atteigne la neutralité climatique à l’horizon 2050.

L'Union Européenne veut s’appuyer sur son industrie pour opérer la transition vers la neutralité climatique. Pour ce, la stratégie industrielle publiée par la Commission et mise à jour en mai 2021 ambitionne que l’Europe devienne un moteur mondial du passage à la neutralité climatique.

Le rôle des brevets

Les brevets peuvent aider l’industrie « à se verdir ». En effet, le système des brevets a été bâti pour permettre l’accélération des innovations. En contrepartie du monopole obtenu (sur un territoire donné et pour une durée de temps donné), l’inventeur est dans l’obligation de divulguer comment faire et comment opérer son invention. Cette divulgation permet aux tiers de bâtir sur ces connaissances (invention de perfectionnement). Le partage de l’information est pour le bénéfice de tous.

Promouvoir et partager les brevets verts pourrait donc aider à accélérer le rythme des innovations vertes et ainsi peser dans la course à la neutralité climatique.

Les initiatives des offices de brevets pour aider les innovations vertes

Certains offices de brevets se sont donc emparés de la question et ont institué une mise en avant des brevets verts. Les États-Unis proposent ainsi des accélérations de l’examen des demandes de brevet impliquant des technologies de réduction des gaz à effet de serre.

En Europe, à l’heure actuelle, pas d’accélération spécifique pour les innovations vertes mais l’utilisation d’une classification permettant d’identifier plus facilement les technologies vertes. La classification Y02 est une classe thématique à large portée qui rassemble toutes les technologies ou applications d'atténuation ou d'adaptation au changement climatique (ex : capture et entreposage de gaz à effet de serre, technologies information et communication ayant pour but la réduction de leur propre dépense d’énergie, production, distribution et transport d’énergie).

Les bénéfices pour les entreprises qui innovent dans le vert

Pour les entreprises qui se lancent dans les innovations vertes, la classification Y02 permet d’identifier, gratuitement et facilement, les technologies déjà existantes. Les entreprises peuvent alors :

  • repérer des niches technologiques sous exploitées,
  • réorienter ou adapter leurs technologies vers des applications qui aident à la lutte contre le réchauffement climatique,
  • innover à partir de technologies existantes, ou encore
  • identifier les technologies qui sont libres de droit.

L’utilisation de la classe Y02 permet de plus de discerner les compétiteurs ou partenaires non exclusivement verts qui ne seraient pas facilement caractérisables autrement (par exemple : un acteur carboné en transition verte).

En outre, la formation d’un portefeuille vert peut s’intégrer à la politique de responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise. Ecovadis, une plate-forme en ligne fournissant des notations de durabilité et permettant aux entreprises d'évaluer leur performance RSE, a par exemple mis en place un label vert prenant en compte le nombre de brevets verts de l’entreprise.

La pression de la politique publique sur les entreprises pour promouvoir les innovations de transition climatique

On peut imaginer que dans un futur proche l’identification des brevets verts (notamment via la classification YO2) pourrait servir d’outil pour les organes institutionnels voulant accélérer le rythme des innovations vertes. Un système de bonus/malus en fonction de l’appartenance à cette classe pourrait être créé pour favoriser les entreprises ayant pris le tournant vert. Il serait encore possible d’utiliser la taxonomie européenne pour sélectionner l’entrée d’un brevet dans la classification YO2 sous la condition qu’il vise une activité économique ayant un impact favorable sur l’environnement. Une autre possibilité serait d’orienter au moins une partie des dépenses publiques de Crédit Impôt Recherche vers des technologies bas carbone, le brevet découlant de ces recherches pouvant dès lors être classé dans la catégorie YO2 relative aux brevets verts. Ce dernier point permettrait de réaliser un couplage vertueux entre un bénéfice court terme du fait d’une réduction fiscale (crédit d’impôt) pour l’entreprise avec un bénéfice (théorique) long terme pour le climat du fait du développement et de la mise en œuvre d’une technologie bas carbone.
Les entreprises doivent s’attendre à des contraintes règlementaires fortes dont certaines vont se traduire par une pression au niveau technologique. Le brevet combiné à la classe YO2 constitue un indicateur clé de performance pour les institutionnels (mais aussi pour les entreprises) permettant de qualifier et quantifier les technologies vertes. Un tel indicateur pourrait donc être utilisé pour réaliser un suivi d’impact des réglementations incitatives au développement de technologies décarbonées et des plans d’investissements tels que « France 2030 » ou pour taxer les entreprises qui continueraient à produire des inventions carbonées.

Enfin, la notion d’ordre public est déjà présente dans le droit des brevets et pourrait être appliquée à l’urgence climatique pour favoriser des technologies décarbonées.

Autant de raisons pour recourir aux brevets dans le cadre de sa mutation verte !


1https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/green-deal/

Partager sur :