Articles
Medtech : brevetabilité des méthodes de diagnostic
Vous êtes une entreprise dans le domaine du médical et vous avez découvert une nouvelle façon de détecter une pathologie. Est-ce brevetable ?
Dans certaines juridictions, comme en France et en Europe, les méthodes de diagnostic semblent à première vue être exclues de la brevetabilité. Faut-il alors renoncer à un potentiel monopole sur une invention clé de votre entreprise ?
Fort heureusement il existe des solutions pour protéger vos inventions de diagnostic. En partant d’un cas concret, nous allons, dans un premier temps, explorer la brevetabilité des méthodes de diagnostic en Europe et en France.
Qu’est-ce qu’une méthode de diagnostic ?
Dans le monde des brevets, la définition de ce qui constitue une méthode de diagnostic va varier d’une juridiction à l’autre. De façon générale, une méthode diagnostic est une succession d’étapes par laquelle on arrive à la détection d’une pathologie.
La méthode de diagnostic n’est pas à confondre avec une méthode thérapeutique qui elle vise à contrer les effets de la pathologie. De même, les méthodes visant simplement à recueillir des données (éventuellement pour faciliter un diagnostic ultérieur) ne sont pas des méthodes de diagnostic.
Cas pratique
L’entreprise fictive MedPoint a développé une façon d’évaluer la probabilité qu’un patient développe un Alzheimer en fonction d’une évolution de son signal cardiaque dans le temps. Pour ce, MedPoint a développé, non seulement la façon de corréler l’évolution du signal cardiaque avec la probabilité de développer un Alzheimer, mais aussi un appareil portatif de :
- prise du signal cardiaque en continu,
- d’envoi de ce signal à un serveur distant pour des fins de traitement du signal, et établissement de la corrélation ou pas, et
- de réception de signaux d’alerte lorsque le serveur détermine que le patient a une forte probabilité de développer un Alzheimer.
Que peut breveter MedPoint ?
MedPoint peut a priori breveter (à condition que ceux-ci soient nouveaux et inventifs) l’appareil et le système qui permettent le diagnostic : dans le cas présent, l’appareil portatif détecteur du signal cardiaque en continu et réception de signaux d’alerte, ainsi que le système global incluant le serveur.
Mais qu’en est-il de la méthode de corrélation du signal cardiaque avec l’Alzheimer indépendamment des appareils et systèmes précités ? Est-ce que MedPoint peut prétendre à un monopole sur la façon de détecter une probabilité de développer un Alzheimer en fonction d’une évolution du signal cardiaque dans le temps ?
Brevetabilité des méthodes de diagnostoc : l’approche en Europe
Les méthodes de diagnostic sont, en Europe, exclues de la brevetabilité par l’article 53c) de la Convention sur le Brevet Européen (CBE) :
« Les brevets européens ne sont pas délivrés pour :
….. c) les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal, cette disposition ne s'appliquant pas aux produits, notamment aux substances ou compositions, pour la mise en oeuvre d'une de ces méthodes. »
Pour que l’exclusion soit appliquée il faut que la méthode revendiquée comporte toutes les étapes suivantes (Directives de l’Office Européen des Brevets (OEB) G – II 4.2.1.3 ; G1/04) :
i) une phase d'investigation, qui implique le recueil de données ;
ii) une comparaison de ces données avec les valeurs normales ;
iii) une constatation d'un écart significatif (symptôme) lors de cette comparaison ;
iv) l'attribution de cet écart à un tableau clinique particulier, à savoir la phase de décision déductive en médecine humaine ou vétérinaire (le diagnostic à finalité curative stricto sensu sans nécessité d'identifier la maladie sous-jacente (cf. T 125/02)).
De ce fait, si une de ces étapes est manquante dans la revendication, la méthode revendiquée n’est alors pas considérée comme une méthode de diagnostic.
Prenons notre cas pratique. L’étape d’investigation est la prise de données cardiaques en continue sur le patient. L’étape de comparaison inclut la comparaison de l’évolution du signal cardiaque du patient avec une évolution d’un signal cardiaque de référence. L’étape de constatation d’un écart significatif inclut la déviation du signal cardiaque de référence de plus de x%. L’étape d’attribution est la corrélation de la déviation avec un taux de probabilité de développer à terme un Alzheimer.
L’omission de l’étape d’attribution peut être une façon de revendiquer la méthode de diagnostic. Elle revient alors à une méthode de recueil de données, qui elle est brevetable (T385/86). Cependant, il faut que les étapes de la méthode sans l’étape d’attribution soient en elles-mêmes nouvelles et inventives.
D’autre part il faut que la revendication comporte toutes les étapes essentielles à la définition de l’invention, ainsi que celles qui sont implicites.
À noter que dans l’évaluation du caractère de « diagnostic » de la méthode revendiquée, seules les étapes i) à iv) sont prises en compte, sans préjudice d’autres étapes intermédiaires que la revendication pourrait contenir, comme le recueil ou le traitement de données (cf. T 1197/02, T 143/04, T 1016/10).
L’application au corps humain ou animal
Les Directives de l’OEB indiquent qu’au final seule l’étape d’investigation est à déterminer si elle est appliquée au corps humain ou animal. Par application, on entend interaction ou pas. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait un contact physique avec le corps humain ou animal. De plus, une méthode appliquée sur un corps mort ou une méthode appliquée sur des tissus et/ou liquides corporels non réintroduits dans l’organisme est une méthode de diagnostic non exclue de la brevetabilité suivant l’article 53c) CBE. Par exemple, des tests sur des échantillons sanguins en vue d’un diagnostic seraient brevetables, alors que le traitement de sang par dialyse ne le serait pas. Ainsi, les méthodes de diagnostic in vitro sont brevetables en Europe.
Les méthodes de diagnostic sont-elles réservées aux praticiens ?
Comme nous l’avons vu dans l’exemple fictif de l’entreprise MedPoint, la participation d’un praticien (médecin, vétérinaire, etc.) n’est pas un critère déterminant pour savoir si la méthode est une méthode de diagnostic (G1/04). Le recueil de données et l’analyse automatique de ces données sans intervention humaine (autre que l’établissement au départ de la corrélation entre évolution du signal cardiaque et probabilité de développer un Alzheimer) peut constituer une méthode de diagnostic exclue de la brevetabilité.
Brevetabilité des méthodes de diagnostic : l’approche en France
L’approche en France est calquée dans ses grandes lignes sur l’approche européenne. L’article L611-16 du Code de la Propriété Intellectuelle exclut les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal. L’INPI définit les méthodes de diagnostic d’une façon similaire à la définition Européenne, à savoir les étapes d’investigation, comparaison, constatation d’un écart significatif, et attribution.
Conclusion
Il est possible d’obtenir un brevet en France et en Europe sur une méthode de diagnostic sous certaines conditions. En ce qui concerne les autres juridictions, comme les États-Unis ou le Japon nous vous invitons à parcourir notre prochaine newsletter. Si vous souhaitez en savoir plus sur la façon de protéger vos inventions MedTech et notamment les méthodes de diagnostic, nos Conseils en Propriété Industrielle et Mandataires en Brevets Européens sont à votre disposition.