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La classification Y02 des brevets : une surclasse permettant d’identifier les technologies vertes
Identification par type de technologie : un rangement classique rodé
En 1971, un système international de classification des brevets, l’IPC (International Patent Classification) a établi des classes permettant le marquage des demandes de brevet et brevets facilitant ainsi leur recherche. Chaque demande de brevet et brevet est ainsi systématiquement classé dans un ou plusieurs domaines de technologies (ex : moteurs, imprimantes).
Les offices nationaux utilisent cette classification pour non seulement indexer les nouvelles demandes de brevet qu’ils reçoivent mais aussi pour trouver plus rapidement l’art antérieur pertinents aux demandes qu’ils examinent.
La classification est en arborescence avec des sections, groupes, classes et sous classes, ce qui peut donner en fin d’arborescence des classes très précises. Les classes sont identifiables par des séries de lettres et chiffres (ex : A24B), et sont mises à jour chaque année.
Quand l’urgence climatique s’impose comme critère additionnel d’identification
L’office européen des brevets (OEB) utilise depuis 2013 la classification CPC (Classification coopérative des brevets) qui est une extension de l’IPC.
La Classification coopérative des brevets est gérée conjointement par l'OEB et l'USPTO, l’office américain des brevets. À noter que l’USPTO emploie sa propre classification, l’USPC, pour les demandes de brevets qu’il traite.
Dans la CPC, la classe Y est spécialement dédiée aux nouveaux développements technologiques, et dans cette dernière, la classe Y02 a pour but d’identifier les technologies ou applications d'atténuation ou d'adaptation au changement climatique1.
Le classement spécifique des demandes de brevet vert
La classe Y02 thématique d'adaptation au changement climatique est arrangée en sous-classes techniques. La classification Y02 de l’OEB comporte à l’heure actuelle les sous classes suivantes2 :
- Y02A (Adaptation au changement climatique)
- Y02B (Batiments)
- Y02C (Capture et entreposage de gaz à effet de serre)
- Y02D (Technologies information et communication ayant pour but la réduction de leur propre dépense d’énergie)
- Y02E (Production, distribution et transport d’énergie)
- Y02P (Industrie et agriculture)
- Y02T (Transport)
- Y02W (Eaux et eaux usées)
La classe Y02 peut être amenée à évoluer et comporter des sous classes additionnelles en fonction des technologies émergentes ou d’intérêt.
À noter que parallèlement à la classe Y02, la CPC inclue une classe Y04 visant les technologies ayant un impact sur d’autres technologies. La classe Y04 contient à l’heure actuelle une seule classe, la classe Y04S consacrée aux réseaux intelligents, qui est considérée comme un dérivé de la classe Y02, et donc une classe « verte ».
L’établissement de la classification verte Y02 est en réponse aux difficultés d’identification des technologies pertinentes vertes. En effet, plus de 80 millions de demandes et brevets dans les bases de données de l’OEB et 1,5 millions de ces documents ont trait à des technologies de développement durable. De plus les technologies vertes peuvent se trouver éparpillées dans des dizaines de domaines de technologies, plus ou moins connexes.
L’OEB a donc pris l’initiative de développer cette codification additionnelle, en sus des classes déjà existantes pour cibler les inventions à caractère vert. Y02 est une surclasse en ce qu’elle recoupe les classes existantes. Elle définit les inventions en premier par leur but (ex : invention pour l’adaptation au changement climatique) et non principalement par leurs caractéristiques techniques (ex : moteur).
Quid dans les autres pays
Pour les offices qui utilisent la classification internationale CIB, l’Office Mondial de la Propriété Intellectuelle (OMPI) n’a pas créé de surclasse « brevets verts » mais a compilé les classes pouvant contenir des technologies vertes dans un document s’intitulant : « Inventaire vert de la CIB »3. L’inventaire vert contient 7 domaines d’intérêt vert :
- Production d'énergie de substitution
- Transports
- Conservation et économies d'énergie
- Gestion des déchets
- Agriculture/sylviculture
- Aspects administratifs, réglementaires ou conceptuels
- Production d'énergie nucléaire
Dans la catégorie « Production d'énergie de substitution » on retrouve par exemple les sous-ensembles « Biocarburants » ou « Piles à combustibles ». Le but de l’OMPI reste le même : faciliter la recherche d'information en matière de brevets relative aux technologies respectueuses de l'environnement. Toutefois, la classe Y02 et ses subdivisions dédiées aux technologies vertes apparait, prima facie, plus pertinente.
À qui sert la nouvelle classification Y02 ?
Cette « surclassification » ne sert pas juste à aider les examinateurs de l’OEB dans leurs recherches de brevets. Elle est également utile au public au sens large. Grace à elle, les scientifiques et ingénieurs peuvent accéder plus facilement aux inventions vertes déjà existantes afin de développer leurs propres technologies vertes. En effet, un des aspects fondamentaux du système des brevets, à la base même de sa création, est le partage d’information4 qui en résulte, permettant de faire avancer les connaissances communes.
Les ingénieurs et scientifiques peuvent aussi identifier plus aisément des niches de technologies vertes grâce aux outils de cartographie des brevets en utilisant la classification Y02.
Enfin, on peut imaginer que cette classification pourrait servir les organes institutionnels s’ils voulaient s’emparer de la question du développement durable par le biais des brevets.
Étant donné la pertinence de la question environnementale, la classification Y02 n’est très certainement qu’un premier élément d’un focus environnemental du droit des brevets.
1 Updates on Y02 and Y04 - EPO
2 Classification - EPO
3 IPC Green Inventory - WIPO
4 L’obtention d’un brevet présuppose nécessairement une publication du contenu du brevet, le rendant ainsi accessible à tous