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Titulaires de droits : gare aux fraudes !
De nos jours, la valeur pécuniaire des droits de propriété intellectuelle suscite la convoitise de nombreux acteurs du marché.
Outre les cas « classiques » de contrefaçon (reproduction ou imitation des droits d’autrui sans autorisation), certains individus font preuve d’une véritable intelligence malsaine afin de détourner à leur profit les droits d’autrui.
Nous avons répertorié les cas de fraudes les plus fréquemment rencontrés en matière de noms de domaine et de marques.
1. Les fraudes visant les noms de domaine
Tour d’horizon des cas de fraudes les plus fréquents
- Réservations frauduleuses de noms de domaine
A l’heure d’une société numérique, les noms de domaine deviennent un actif de plus en plus prisé dans le patrimoine des entreprises.
Or, la règle en matière reste celle du « premier arrivé, premier servi » : il est possible de procéder à une réservation sans avoir à justifier d’un droit quelconque sur le nom réservé.
Certains individus tentent de détourner cette règle à leur profit en procédant à des réservations frauduleuses. Ainsi, nombre de fraudeurs ont recours à la création de noms de domaine reproduisant des marques ou noms d'entreprises seuls ou en leur adjoignant des termes génériques. Le lancement régulier de nouvelles extensions a aussi contribué à la recrudescence des réservations frauduleuses.
Ces noms de domaine peuvent ensuite :
-
être mis en vente sur les sites du second marché des noms de domaine (sedo.com, afternic.com, etc.) à des prix manifestement excessifs ;
-
être configurés afin de créer des adresses email d'apparence officielle pour des campagnes d'emailing frauduleuses ;
-
être configurés afin de renvoyer vers des sites concurrents ou proposant des contrefaçons.
- Le « slamming »
Dans ce cas de figure, des tiers se faisant passer pour des bureaux d’enregistrement envoient des courriels aux titulaires de marques et affirment que des noms de domaine identiques à ces marques sont en passe d’être réservés, le plus souvent sans fondement réel.
Cette approche commerciale agressive, proche de l’escroquerie, a pour but de mettre les titulaires de marques sous pression afin de les inciter à réserver des noms de domaine dans l’urgence, pour un prix souvent prohibitif.
- L’ « hameçonnage » (ou « phishing)
Il s’agit d’une technique utilisée par les fraudeurs pour obtenir des renseignements personnels via l’envoi de courriels frauduleux en usurpant l’identité d’un tiers de confiance et contenant des liens vers la copie d’un site Internet.
Le but est de faire croire à la victime qu'elle se trouve sur un site officiel et l’inciter à saisir des données personnelles (identité, adresse, informations bancaires, etc.) qui seront récupérées par le fraudeur.
- Les « fraudes au président »
Cette technique est aussi connue sous le nom d' « email spoofing ». Elle permet aux fraudeurs d'envoyer des campagnes de courriels en usurpant des adresses email existantes au sein d'entreprises (généralement celle d’un dirigeant), afin d'effectuer des tentatives de détournements de fonds directement auprès des services comptables.
Les fraudes visant les noms de domaine : quels sont les risques encourus ?
Ce type de manœuvres frauduleuses peut avoir des conséquences extrêmement dommageables pour les entreprises.
Ainsi, les campagnes d’email frauduleuses sont généralement utilisées à des fins de détournements de fonds.
Plus grave, elles peuvent parfois conduire à une dévalorisation des actifs financiers de l’entreprise : certains fraudeurs vont jusqu’à diffuser de faux communiqués sur les résultats d’une entreprise à partir d’une adresse email d’apparence officielle, ce qui peut conduire à une chute de la valeur boursière des titres de cette société.
De plus, si les réservations frauduleuses de noms de domaine ont généralement pour but de revendre le nom de domaine au plus offrant, elles peuvent parfois être effectuées par des concurrents ou d’anciens membres du réseau de distribution de l’entreprise victime dans le but de détourner la clientèle.
Enfin, la création et l’exploitation de noms de domaine reproduisant des marques peuvent aussi avoir une incidence sur le référencement naturel des sites officiels sur les moteurs de recherche.
Quelles solutions pour lutter contre ces pratiques ?
- Récupérer un nom de domaine déposé frauduleusement
Pour les noms de domaine litigieux déjà réservés, le recours aux Procédures Alternatives de Résolution des Litiges (PARL) peut permettre d’en obtenir la récupération ou la suppression.
Des procédures ont notamment été mises en place par l’ICANN pour les gTLD (procédure UDRP) ainsi que pour les nouveaux gTLD (procédures UDRP et URS) et nécessitent de démontrer :
- l’identité entre le nom de domaine et la marque invoquée ;
- l’absence d’intérêt légitime du titulaire du nom de domaine ;
- la réservation et l’utilisation de mauvaise foi du nom de domaine.
Pour les extensions nationales, les PARL diffèrent en fonction de l’extension considérée. Certaines extensions ne prévoient toutefois aucune PARL, de sorte que les litiges en matière de noms de domaine doivent faire l’objet d’une procédure judiciaire devant les tribunaux nationaux.
Ces procédures peuvent s’avérer longues et coûteuses : il est donc conseillé de sécuriser en amont son portefeuille de noms de domaine.
- Fraudes visant les noms de domaine : les bonnes pratiques à adopter
Afin de lutter en amont contre ces différents cas de fraude, il convient d’adopter certaines pratiques en interne pour limiter les risques d’exposition, telles que :
- la sensibilisation régulière des employés des services exposés à ces différents types d'escroqueries (comptabilité, secrétariat de direction, etc.). Ces derniers seront alors en mesure de détecter plus aisément les tentatives d’escroqueries et de ne pas répondre aux emails de sollicitation;
- l’encadrement des membres des réseaux de distribution, notamment par voie contractuelle. Par exemple, une clause peut prévoir que les réservations de noms de domaine ne pourront être effectuées qu’avec l’accord préalable du titulaire des droits et que les noms de domaine réservés par les distributeurs seront automatiquement cédés ou supprimés dès la fin de la relation contractuelle ;
- la mise en place de mesures techniques permettant de protéger vos noms de domaine institutionnels, telles que des normes d'authentification des adresses email (clés asymétriques DKIM et/ou DMARC).
- Des outils mis à votre disposition par nos services
Nos experts Internet & Data vous informe régulièrement de l'ouverture de nouvelles extensions et est en mesure de vous conseiller sur leur pertinence au regard de votre activité. De plus, les marques peuvent faire l’objet d’un enregistrement au sein de la Trademark Clearing House (TMCH) afin de permettre aux titulaires de droit de réserver des noms de domaine identiques à leurs marques dans les extensions en cours de lancement, préalablement à l’ouverture au public.
Par ailleurs, nous nous tenons à votre disposition pour réaliser des audits afin de rationaliser vos portefeuilles de noms de domaine existant. S’il est illusoire de vouloir protéger un terme sur l’ensemble du système des noms de domaine, cela permet néanmoins de faire le point sur les extensions qui paraissent essentielles à votre activité et avoir une vue d’ensemble des noms de domaine réservés par des tiers.
La mise en place de surveillances permet de repérer au plus tôt les réservations de noms de domaine litigieuses ainsi que les contenus web faisant référence aux termes surveillés. Des surveillances peuvent aussi être mises en place directement sur un ou plusieurs noms de domaine afin de détecter toute modification technique qui serait effectuée (rattachement à un site, configuration d’une boîte email, mise en vente, etc.).
Enfin, les solutions de backorder (ou « snapback ») permettent de récupérer un nom de domaine au moment de son expiration en utilisant des robots dédiés. Ainsi, si un nom de domaine n’est pas renouvelé par son titulaire, à la seconde même où il retombera dans le domaine public les robots informatiques pourront tenter de procéder à sa réservation.
Nos experts Internet & Data sont à votre disposition afin de vous assister et vous conseiller pour l’ensemble de ces démarches.
2. Les fraudes visant les marques
- Dépôts de marque frauduleux
Ce type de fraude est plus rare qu’en matière de noms de domaine, notamment en raison du coût plus important que représente le dépôt d’une marque.
Des individus autres que les titulaires légitimes profitent d’une absence de protection sur un territoire stratégique pour déposer frauduleusement une marque. Ils tentent ensuite de revendre ce dépôt ou réclament le paiement d’une somme conséquente en échange de son retrait. Ils peuvent également tenter de bloquer toute tentative de dépôt légitime ultérieur.
Les procédures pour tenter de faire annuler ou revendiquer les dépôts frauduleux sont longues, coûteuses et difficiles à mettre en œuvre. La preuve de la fraude est souvent délicate à rapporter. La simple connaissance de l’utilisation antérieure d’un signe ne suffit généralement pas à établir la mauvaise foi du demandeur : il convient également de rapporter la preuve de l’intention de nuire au moment du dépôt.
Cette preuve peut être apportée au moyen d’un faisceau d’indices, c’est-à-dire une combinaison de circonstances graves, précises et concordantes : la profession du déposant (domaine d’activité proche ou non de la victime de la fraude, relations d’affaire ou non) ; la notoriété (ou l’absence de notoriété) du signe déposé ; les modalités du dépôt (dépôts dans toutes les classes, …) ; etc.
Généralement, la fraude est reconnue lorsqu’il est démontré que les parties étaient en relation. Ainsi, la Cour d’Appel de Paris a récemment considéré comme frauduleux le dépôt par une maison de disques de la marque « Bébé Lilly », correspondant au nom d’une chanson et un personnage crées par un auteur-compositeur : ont notamment été retenus comme indices la relation d’affaires entre les parties, la connaissance du nom Bébé Lilly par la maison de disque et le fait que le dépôt par la maison de disques permettait de priver l’auteur-compositeur de toute possibilité de diffuser de nouvelles œuvres autour de ce personnage . (Cour d’Appel de Paris, 30 mars 2018, RG 17/04929, renvoi après cassation).
Quels outils pour lutter en amont contre les dépôts frauduleux ?
Il est conseillé d’anticiper au maximum les tentatives de dépôts frauduleux en vous assurant le plus tôt possible que vous êtes bien protégés dans tous vos pays d’intérêt. Nos juristes se tiennent à votre disposition pour effectuer un audit de votre portefeuille et vérifier que vos droits couvrent bien tous les territoires stratégiques de votre activité.
La mise en place de surveillances de vos droits est également un outil particulièrement utile. Cela permet de repérer au plus tôt les tentatives de dépôts frauduleux et ainsi d’agir le plus en amont possible.
Nous vous conseillons également de sensibiliser vos distributeurs et partenaires commerciaux afin de s’assurer que ceux-ci ne déposeront pas vos marques sans autorisation. Une interdiction peut être expressément prévue en ce sens dans les contrats vous liant à ces entreprises.
Nous vous conseillons également de sécuriser au maximum les discussions autour de vos projets de marques, notamment par le biais d’accords de confidentialité.
- Fausses factures
Les titulaires de demandes d’enregistrement reçoivent de plus en plus de courriers d’apparence officielle leur demandant de payer des taxes complémentaires pour obtenir la publication ou l’enregistrement de leurs marques ou dessins et modèles.
Les organismes à l’origine de ces courriers utilisent des noms proches des Offices (EUIPD, World Organization for Trademarks,…) et reprennent des emblèmes connus (drapeau européen, mappemonde, …) afin de mieux tromper leurs destinataires.
Cette pratique est de plus en plus répandue, au point que l’EUIPO recense désormais une centaine d’exemples de fausses factures afin d’alerter ses utilisateurs sur ces manœuvres frauduleuses : https://euipo.europa.eu/ohimportal/fr/misleading-invoices#.
Récemment, la cour d’appel de Stockholm a d’ailleurs condamné à de lourdes amendes et des peines de prison des individus ayant adressé de fausses factures à des titulaires de marques de l’Union Européenne en utilisant l’en-tête « OMIH ».
Soyez vigilant en cas de réception de ce type de courrier : en cas de doute sur l’origine d’un document, n’hésitez pas à vous rapprocher de votre interlocuteur habituel pour en vérifier l’authenticité.